lundi 2 juillet 2012

Le livre de juillet : "The Practice, la justice à la barre" (Nathalie Perreur)

Cela fait un petit moment que j'avais prévu de parler de ce livre. Mais comme c'est la tradition depuis plusieurs années, je n'ai pas vu passer le mois de juin et j'ai laissé trainer...

The Practice : La justice à la barre est issu de la nouvelle collection que les Presses universitaires de France consacrent aux grandes séries américaines post Hill Street Blues, celles que Robert Thompson regroupe sous le concept de Quality Television dans son ouvrage Television's Second Golden Age. Une appellation qui recouvre en gros tous les dramas qui, ces trente dernières années, ont questionné (ou questionnent) avec beaucoup d'acuité la société américaine 

L'ouvrage à l'honneur aujourd'hui est le deuxième d'une série dans laquelle on trouve déjà une étude consacrée à Desperate Housewives et une autre à CSI. Dans les mois qui viennent, ce seront au tour de Six Feet Under, Grey's Anatomy et The Shield de faire l'objet d'une analyse réalisée par un universitaire.

 En s'intéressant à The Practice, la série la plus noire de David E. Kelley, Nathalie Perreur, docteur en sciences de l'information et de la communication, laisse à penser que les PUF ne veulent pas seulement surfer sur un effet de mode mais bel et bien s'intéresser à des séries qui possèdent une vraie richesse thématique.

Ce qui est une excellente idée.

Ce bon point est malheureusement contrebalancé par ce qui est, pour moi, deux gros défauts. Le premier, ce sont les approximations et/ou le besoin d'opposer maladroitement les dramas modernes avec le reste de la production.

Des erreurs regrettables... 


Côté approximations, j'en ai relevé trois dès les trois premières pages. Affirmer par exemple que Kelley a écrit la quasi-totalité des épisodes de La Loi de Los Angeles est ainsi une hérésie : il a quitté le show après la saison 5, et au cours de cette dernière année, il était moins présent dans l'écriture directe d'un show qui compte au total huit saisons.

Assurer que la série était  "diffusée originellement le dimanche soir puis retransmise le lundi à partir de janvier 2003" est encore  approximatif. La saison était diffusée le mardi aux Etats-Unis, avant d'être proposée le samedi en saison 2 (un jour maudit Outre-Atlantique : personne n'est devant sa télé. Kelley a multiplié à l'époque les épisodes bouclés pour ne pas tuer sa propre création) puis d'être propulsée le dimanche grâce aux très bons retours critiques.


Soutenir enfin que la série n'a jamais été proposée intégralement sur une chaîne française est encore faux. Ou alors j'ai rêvé le soir où j'ai vu la fin de la saison 7 puis de la saison 8 sur Jimmy.


... et une idée centrale maladroite

A ces erreurs factuelles s'ajoute le besoin de désigner les séries dramatiques "nobles" sous le terme de néo-séries (alors que les spécialistes les appellent déjà... drama). Personnellement, ça m'a gêné. Avec cette appellation, j'ai parfois eu l'impression que l'auteur cherchait à convaincre son lecteur du sérieux de ces créations pour mieux renvoyer les autres productions aux jugements faciles, partiels et partiaux. Ceux que l'on réserve encore souvent à la majeure partie de la production télévisuelle.


Je suis mal à l'aise avec cette idée car ça ne rend que très imparfaitement compte d'une réalité : avec les séries des USA, comme dans les bons dramas, il n'y a pas d'un côté les bons et les méchants. J'entends par là qu'il y a un vrai phénomène d'interpénétration entre les séries "nobles" et les séries grand public. 

C'est parce qu'elle connaît les ressorts du soap et que dans ses meilleurs moments, elle sait transcender son genre que Desperate Housewives a vécu huit saisons. C'est parce qu'elle pose des personnages solides que Chuck n'est pas une série d'espions bateau et benêts. Et cette appellation de "néoséries" ne tient pas vraiment compte de ça.

Plusieurs bonnes choses (quand même)

Ces considérations mises à part, je dois dire... que je ne sais pas trop quoi penser de cet ouvrage. En tant que téléspectateur attentif de cette série (attention : je n'ai pas dit fan), je n'ai pas appris grand'chose. Maintenant, ça ne me choque pas. 

Enfin, pas trop : l'idée est sans doute de s'adresser à ceux qui ne connaissent pas ou peu. Mais dans ce cas-là, autant faire preuve de rigueur dans l'analyse: pour moi, c'est ce qui a sans doute manqué le plus.

Car il y a quand même des choses intéressantes dans The Practice : La justice à la barre. Toute la partie sur l'ambivalence des notions de culpabilité et d'innocence est assez bien menée (comme celle sur les dérives d'une société sécuritaire). Quant à celle consacrée à un "argumentaire filé contre la peine de mort", elle est assurément la plus réussie.

Très didactique (sans doute trop), l'ensemble manque un peu de souffle : j'ai parfois eu l'impression d'assister à une démonstration appuyée superposant les exemples plus qu'à une analyse anglée, portée par un récit empreint de souplesse. Et ça aussi, c'était dommage de mon point de vue (1).

Pourtant, conte toute attente, cela m'a surtout donné envie de revoir la série. Mine de rien, c'est une jolie performance : il y a des moments vraiment barbants dans les saisons 6 et 7 de la série.

Bien à vous,
Benny

(1) : Je serais vraiment heureux d'avoir un autre avis parce que je me demande si c'est moi qui ai pris le livre dans le pif (ce que je ne veux pourtant pas faire), loupant au passage des éléments importants...

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