mercredi 19 octobre 2011

"The Shield" (saison 6) : Farmington et le début de la fin

Ecrire l'avant-dernière chronique consacrée à l'intégrale de la série de Shawn Ryan, c'est d'abord faire un constat: A l'image de Homicide dans les années 90, The Shield possède un récit dont la logique renvoie à celle du roman. Il y a un début, un milieu et une fin.

Si on considère que les deux premières années servent à installer toutes les ramifications de l'histoire du Barn et de ses figures, si on peut tout aussi légitimement avancer que les saisons 3, 4 et 5 constituent le milieu de cette épopée, l'issue de cette période plonge irrémédiablement le téléspectateur dans une sorte de voie sans issue. Celle au bout de laquelle on saura comment Vic Mackey va finir.

Ambiance "Les jours d'après"

Le fait est que la conclusion de la cinquième saison était magistrale. Plus forte que la saison 2 qui ouvrait tout un champ de possibilités. Plus tendue que le finale de la saison 3, qui s'achevait pourtant sur une vraie opposition frontale. Plus inquiétante pour les principaux protagonistes que la saison 4, qui annonçait pourtant déjà de sombres heures à venir... et la plus belle réussite de cette saison 6, c'est sans aucun doute de n'avoir jamais trahi les promesses faites en amont.

Car oui, la saison 6 explore encore de nouveaux terrains avec Claudette dans le bureau de capitaine et en plaçant Vic encore plus sur la sellette... et sous la supervision d'un petit nouveau. Oui, la tension dramatique ne faiblit jamais et les conséquences du drame survenu juste avant (je ne spoile pas : ce serait criminel pour ceux qui n'ont pas vu la série) sont très intelligemment explorées par les scénaristes. A la manière d'un jeu de dominos, les événements "tombent" les uns après les autres dans un enchaînement aussi implacable que maîtrisé.

Dans le bon timing

Si ces nouveaux épisodes fonctionnent aussi bien, si la menace va crescendo sur les personnages principaux, c'est sûrement parce que The Shield a un sens du timing assez parfait. La preuve ultime? La storyline avec Kavanaugh des Affaires Internes, qui évolue de façon cohérente... et ne traine pas en longueur. Le risque était pourtant réel. Si on se met à la place des producteurs, il aurait même étant tentant de faire durer les choses (l'opposition entre Mackey et lui fonctionne à mort). Mais non: tout évolue dans le bon tempo, jusqu'à un épisode final. Ce coup-ci, le "héros" obtient un sursis... cependant il ne fait aucun doute que le compte à rebours est lancé. The clock is ticking, comme on dit. Et la prochaine fois, ce sera la fin.

Bien à vous,
Benny

mardi 18 octobre 2011

"Hart of Dixie" (saison 1) : Sweet (new) home Alabama

Le pitch : La vie de Zoe Hart est à New York. Elle a d'ailleurs tout programmé. C'est là-bas qu'elle va se marier, là-bas qu'elle va devenir un chirurgien reconnu par ses pairs et obtenir la considération de son père (l'inverse, ça marche aussi). Sauf que rien ne va se passer comme prévu, et que le docteur Hart va se faire éjecter hors de la Grosse Pomme. Direction Bluebell, petite ville d'Alabama, où l'attend un poste de généraliste. Pas pour longtemps a priori. Enfin, c'est ce qu'elle se dit.
 
La télé repart en campagne (encore)
Bon, cette fois, c'est sûr : la rentrée sérielle de 2011 est tout, vraiment tout sauf originale. Après les remake plus ou moins heureux (Prime Suspect sauve cette catégorie d'un point de vue purement critique), après l'exploration des 60's des Mad Men en version (très) allégée (Pan Am et PlayBoy Club qui, apparemment, ne valait pas un pet de lapin - huhu), on retrouve les séries qu'on pourrait appeler "de communauté".

 Mais si, vous savez : ces shows où l'on plonge un individu au centre d'une communauté plus ou moins loufoque, et dans laquelle il essaie de se faire une place. Ça a commencé il y a deux décennies avec Bienvenue en Alaska / Northern Exposure (spéciale dédicace à Arnaud J. Feishman), ça s'est décliné à l'envie pendant plusieurs années (Ed, Providence, Gilmore Girls, Men in Trees et j'en oublie c'est sûr) et c'est remis au goût du jour avec Hart of Dixie.

Bilson, Schwartz: les retrouvailles
Un projet de série imaginé par Leila Gerstein mais avant tout porté par deux personnes : le très sympathique Josh Schwartz (si: Chuck, c'est sympa. Du coup, je lui pardonne facilement Gossip Girl, moins probant) et la non moins sympathique (mais surtout très craquante) Rachel Bilson. Ces deux-là se connaissent depuis The OC / Newport Beach et on sait qu'ils ont plaisir à bosser ensemble. Quand on regarde le pilote de Hart of Dixie, c'est d'ailleurs cette impression qui prédomine.

Côté storylines, on sait ce à quoi on va avoir droit et on ne boude pas son plaisir. On a la citadine aussi à l'aise dans la cambrousse sudiste qu'un plongeur en scaphandre dans un 110 mètres haies. On a aussi les personnages archétypaux qui vont bien : le médecin méfiant, pas agréable et qui ne veut pas de l'héroïne, le beau gosse sympa mais pas accessible, le beau gosse pénible mais trop accessible...

Il faudra une belle dose d'audace et de talent aux scénaristes pour secouer un schéma hyper connu et on peut se prendre à rêver que cela arrive. Mais on peut aussi être réaliste, prédire un polygone amoureux des familles entre Zoe Hart et les différents beaux gosses de BlueBell et se rendre à l'évidence : Hart of Dixie trouvera aussi son public.


Rendez-vous en terrain connu
La raison est simple : c'est justement parce qu'on est en terrain connu et qu'il y a toujours un public pour ces séries légères. Des shows que l'on voyait (un peu) moins sur les grilles de programmes US ces derniers temps. Les histoires de séries étant apparemment une éternelle source de recommencement, on peut prédire à Hart of Dixie entre deux et quatre saisons sans encombre. Parce que c'est le minimum syndical et que ce n'est pas non plus une insulte à l'intelligence du téléspectateur. Ben oui: c'est du Josh Schwartz.

Bien à vous,
Benny

lundi 10 octobre 2011

Dites "33"

Non, je ne vais pas chez le médecin. Non, je ne veux pas reparler d' Urgences (quoique... si : on signalera effectivement en passant que la série est diffusée en semaine sur France 4 entre 13h30 et 16h30... et que si la photographie de la série entretient un côté vieilli, côté histoires, ça le fait toujours).
Non en fait, c'est juste que ce blog de trentenaire l'est encore un peu plus ce lundi. J'ai 33 ans aujourd'hui. Et c'est cool. Si parce que je fais toujours aussi jeune.
Sinon, histoire de rendre ce post pas complètement inintéressant (si, si : j'aurais pu...), je profite de l'occasion pour signaler qu'on devrait parler dans les jours et semaines à venir de Hart of Dixie, Boardwalk Empire (saison 1), How to Make It in America (saison 2) et The Shield (saison 6). Et aussi (et surtout) de Awkward.

En clair : Stay tunned!

Bien à vous,
Benny

dimanche 9 octobre 2011

Le carré d'albums d'octobre: partie 3, "Money & Celebrity" (The Subways)


Deux gars, une fille et une batterie qui tape fort et plutôt vite. La formule de The Subways, formation britannique à la pop plutôt percutante, a déjà fait recette, surtout sur scène où ça envoie tout de même pas mal.

Assez logiquement, les deux frères Billy et Josh et la rafraîchissante Charlotte Cooper (aaah...) proposent donc un troisième album plein d'énergie. Le principe: des titres qui ne remporteront jamais le prix des textes les mieux écrits (non, pas de danger) mais qui sont susceptibles de vous donner la pêche en les écoutant.
Si on excepte Celebrity, qui est un assez honteux plagiat de la rythmique de Banquet de Bloc Party, Money & Celebrity est un album qui privilégie l'efficacité, jusqu'à rappeler, dans ses meilleurs moments, l'envie de Green Day entonnant son mythique Basket Case, notamment sur We don't need money to have a good time (J'ai dit quoi sur les textes, déjà?).
Le point noir, c'est que l'ensemble manque quand même un peu de fond. Il n'y a pas ici de titre vraiment audacieux, de rupture burnée (c'est du français pas un pseudo-anglicisme) capable de marquer durablement les esprits. Et le plus gros problème de Money & Celebrity est là: si on ne boude pas son plaisir à l'écouter, rien ne garantit que dans un an, dans deux ans, on s'en souvienne de façon marquante.




En résumé: si on vous l'offre, prenez-le. Mais demandez si on ne veut pas vous offrir les tickets de concert qui vont avec. C'est pas parce qu'on est en pleine crise de la Dette qu'il faut baisser le pavillon du culot et des ambition.

Bien à vous,
Benny 

vendredi 7 octobre 2011

"The Wire" (saison 2): Baltimore, avec vue sur l'amer

La journée est placée sous le signes des jolis retours. Après Deadwood, voici venir une autre série de HBO: la monumentale The Wire, également décortiquée dans le cours de l'été dernier. C'est un parti pris, le même que pour The West Wing: face à la densité de l’oeuvre, à la grande qualité de sa construction, j'ai décidé de prendre mon temps pour l'apprécier. Pour mieux savourer toutes les subtilités de l'histoire quand les pièces de ce puzzle narratif s'assemblent.

On prend les mêmes... et on continue, plus loin
Nous voilà donc Back to Maryland, assez peu de temps après la clôture de l'affaire Barksdale et de la saison 1. Ce nouveau chapitre s'ouvre d'ailleurs avec un tour d'horizon de ce que sont devenus les protagonistes, prolongeant ce que laissaient supposer les ultimes images du finale, avec Step by Step de Jesse Winchester en fond sonore. McNulty paie ses rapports plus qu'orageux avec le major Rawls en travaillant du côté de l'unité maritime de la police de la ville, tandis que le lieutenant Daniels a été réaffecté aux archives. Alors que Kima travaille derrière un bureau, Freamon lui a retrouvé le terrain aux côtés de Bunk. Ceci pendant que Prez, Carv et Hauk poursuivent chacun de leur côté leur petit bout de chemin.

Les dealers de Baltimore Ouest sont toujours là eux aussi, drivés par l'ombrageux Stringer Bell. Chose un peu plus étonnante, on va également suivre la trajectoire des Barksdale de l'autre côté des barreaux... ce à quoi je ne m'attendais pas vraiment. Et c'est pourtant cohérent: dans The Wire, on s'attache à raconter un roman à épisodes. Ce qui n'est pas surprenant en revanche, c'est de voir apparaître de nouveaux visages dans cette ambitieuse description du phénomène urbain. Pour cela, les caméras abandonnent un temps les tours des quartiers pauvres pour rejoindre le port. Là où le syndicat des dockers compose comme il peut avec la récession.

De sacrés points forts...
Autrefois point fort de l'économie de la ville, le port de Charm City est en train de mourir. Lentement. Douloureusement. Franck Sobotka, à la tête de l'organisation, se donne un mal de chien pour maintenir à flot le bateau sur lequel tous sont embarqués. On peut même dire qu'il fait vraiment tout ce qu'il peut pour sauver tout le monde: qu'il s'agisse de ses vieux compagnons de route comme Horseface ou des plus jeunes comme son neveu Nick ou son fils Ziggy. La découverte de cadavres dans un container va pourtant porter un sacré coup à son action. Elle va non seulement mettre au jour les corps sans vie de plus d'une douzaine de femmes nues mais aussi le dramatique glissement d'une poignée d'hommes vers des activités illégales.

Encore une fois, The Wire fait fort. Très fort parce le récit inscrit à nouveau son propos dans une réalité sociale forte. Et que cette histoire très sombre joue habilement sur un effet de miroir. Clairement, c'est le marasme de l'activité portuaire qui pèse sur les épaules des personnages, qui pèse aussi sur leur choix. Et c'est leur façon de composer avec ces difficultés, au boulot comme dans la vie de tous les jours, qui donne corps aux réalités de la crise. A travers l'exploration dramatique d'un phénomène peu prisé dans ce genre de format, la série marque à nouveau des points.

... mais pas que
Ce qui ne veut pas dire que cette saison deux soit exempte de tout reproche. A titre personnel, j'ai trouvé que la volonté de poursuivre le récit de la saison 1 et le développement de la nouvelle intrigue ne s'articulaient pas toujours très bien. D'abord parce qu'il n'est pas toujours été facile de mobiliser tout le casting (franchement, si Hauk et Carver ne sont pas là, il n'y a pas mort d'homme...). Mais aussi parce que l'on ne retrouve pas vraiment ici un des moteurs de la narration de la première saison: la progression de l'enquête de police. Ici, le procédé est un peu moins linéaire et l'absence d'une certaine montée en puissance est un peu regrettable. Quand bien même il y a une belle et évidente accéleration sur la fin.

Cela reste cependant de petits regrets... et n'empêche nullement de savourer cette nouvelle saison qui embarque le téléspectateur toujours plus loin.
Way down in a hole...





Bien à vous,
Benny

"Deadwood" (saison 3) : De l'or et un duel dans le Dakota du Nord

Un dernier tour dans l'Amérique des années 1870? C'est ce qui était au programme de mon mois d'août, histoire de continuer mes séances de rattrapage entre deux cartons de déménagement.

Retrouver Deadwood, c'est toujours un peu particulier. Parce que c'est un show qui a son ambiance, ses gueules plus ou moins avenantes mais toujours marquantes. C'est aussi une vraie réussite esthétique, avec sa photographie et ses décors très soignés. sans oublier son générique classieux aussi. Mais ce qui fait que c'est aussi une série spéciale, c'est qu'on ne sait jamais trop à quoi s'attendre en terme de satisfaction. La faute à David Milch, créateur-producteur capable de vous accrocher en saison 1 avec une mise en place de l'intrigue rythmée et plutôt limpide, avant de vous faire perdre pied en saison 2, en proposant une histoire qui part dans tous les sens.



Un ultime tour de piste, avec des forces et des faiblesses
La saison 3, c'est le dernier round, le show ayant été annulé dans la foulée par HBO sans jamais avoir vraiment pu conclure son propos. Cette considération éminemment frustrante mise à part, la grande question était de savoir si l'équipe en charge de la production de la série avait su, pour ce dernier tour de piste, tirer les leçons du passé (et repartir de l'avant) ou si elle s'était embourbée irrémédiablement.
La réponse? C'est un peu du oui et non. Oui parce qu'avec l'arrivée de George Hearst (Gerald McRaney) en fin de saison 2, on savait que l'incontournable Al Swearengen (Ian McShane, insubmersible de talent) allait devoir composer avec un adversaire de taille. Et le fait est que la série bénéficie pleinement de cette opposition frontale qui a pour enjeu l'or des mines du Dakota.
 La tension entre ces deux hommes (l'un peu recommandable mais non dénué d'humour - Swearengen - l'autre absolument détestable et dangereux - Hearst) est un moteur pour tout le récit. A ce titre, la redoutable confrontation entre leurs hommes de main respectifs en plein milieu du camp est mémorable: c'est l'un des points culminants d'un duel dont on regrette sincèrement de ne pas savoir quelle en sera l'issue définitive.

 La tentation du trop plein
A côté de ça, Deadwood retombe encore cette saison dans l'un de ses plus fâcheux travers: la tentation du trop plein. Déterminé à raconter la vie d'un impressionnant nombre de personnages, pour mettre sur pied une grande fresque évoquant tout à la fois le désir, l'addiction, la cupidité et la solitude, Milch a tendance à multiplier les storylines sans que la greffe ne prenne à tous les coups.

Les hommes et femmes vont et viennent: certains passent en coup de vent, d'autres sont tristement relégués au second plan, d'autres encore font un retour tonitruant sans que l'on ne comprennent toujours les enjeux avec lesquels ils composent... C'est plutôt gênant. Agaçant. Parce que si Deadwood est assurément une série à voir, c'est aussi un show finalement un peu inégal. Et c'est vraiment regrettable parce qu'il y avait là tout ce qu'il faut pour obtenir un succès incontestable.

Bien à vous,
Benny

mercredi 5 octobre 2011

Le carré d'albums d'octobre: partie 2, "Metals" (Feist)

Le rendez-vous était attendu par de nombreux accros de la platine. Après quatre albums et surtout après le mémorable The Reminder, Leslie Feist fait son retour au début des jours qui deviennent trop courts. Comme une évidence.
Metals, sa nouvelle création, est effectivement empreinte d'une aura crépusculaire qui marque tout en nuances une autre étape de sa discographie. Cette fois-ci, l'artiste venue du Canada laisse exprimer sa part d'ombre dans cet album. Le son se fait en tout cas plus mélancolique: au gré des titres, la vie et la mort entament un troublant pas de deux, à l'image des paroles du Graveyard, où il est question de morts que l'on aimerait voir sortir d'un cimetière...
Mais contrairement à beaucoup (trop) de folkeux qui remplissent les bacs des marchands de musique, il y a toujours chez Feist cette énergie, cette légèreté dans la voix, cette puissance dans les harmonies qui fait que jamais l'on ne s'ennuie. 



Cette impression, elle vous prend dès qu'on écoute The Bad in Each Other, titre inaugural de l'album. Elle vous agrippe encore avec A Commotion ou Undiscovered First. Et s'il y a certes des petits coups de moins bien (ou des titres plus classiques, comme The Circle Married The Line : pas de bol, c'est l'extrait vidéo du jour...), on n'en demeure pas moins convaincu que l'artiste a vraiment un univers musical dense.
De ceux dans lesquels on accepte de se perdre pendant des heures sans le regretter. Et il est probable que plus d'un acceptera de partir en balade...

Bien à vous,
Benny

mardi 4 octobre 2011

Le livre d'octobre: "The Corner", partie 1 (David Simon & Ed Burns)

"Quand je serai grand, je serai David Simon". 

Cette phrase, j'ai eu l'occasion de la dire, de l'écrire, un bon nombre de fois ces dernières années. Celui que l'on connaît d'abord comme le créateur de The Wire, Generation Kill et Treme est un homme qui sait mêler les mots et les maux. Un auteur rare, un de ces observateurs de la nature humaine dont les paroles trouvent un echo profond en vous. Et cela depuis de nombreuses années. A la télé mais pas seulement.

Ancien journaliste du Baltimore Sun, Simon est aussi l'auteur d'enquêtes richement documentées et peu connues en France. La première, Homicide: A year in the killing street, est le livre dont Barry Levinson a extirpé une adaptation sous forme de série télé pour NBC dans les années 90 (avec l'aide de Tom Fontana).
La seconde, The Corner: A Year in the life on an Inner City Neighbourhood, co-écrite avec Ed Burns, ex-flic devenu par la suite enseignant à Baltimore, a elle aussi été adaptée pour le petit écran (par l'auteur-scénariste lui-même) à travers une mini-série diffusée sur HBO en 2000.

Un funeste bal, une mélodie entêtante
Si le premier ouvrage n'a toujours pas été traduit en France (sorti en 1991, il a reçu un Edgar award et est toujours commandable en VO sur Amazon), The Corner est arrivé cette année sur les étagères des librairies françaises (une bonne idée que l'on doit aux éditions Florent Massot). Sous-titré Enquête sur un marché de la drogue à ciel ouvert, il fait l'objet de deux tomes dont le premier, évoquant des événements survenus en hiver et au printemps de l'année 1993, est sorti début 2011 (le second sort ce mois-ci).

Authentique plongée dans un coin abandonné par le rêve americain, The Corner vous emmène à Baltimore Ouest, au coin des rues Fayette et Monroe. Là où nuit après nuit, jour après jour, dealers, rabatteurs, testeurs et junkies perpétuent le funeste bal du commerce de la drogue.
Une danse macabre dont le rythme ne s'arrête pas aux poignées de mains scellant la transaction. Car le trafic de drogue, telle une marée noire, avance résolument et inexorablement. Contaminant tout sur son passage.

Fayette et Monroe, troublant trou noir
Frappé de plein fouet par le chômage, Baltimore Ouest possède un impressionnant taux de chômage. Et la seule activité qui prospère, c'est la vente des Blue Tops ou des Big Whites qui a changé la majeure partie des habitants en zombies. Plus qu'un simple croisement de rues où on palpe des billets à longueur de journée, le Corner est une véritable entité qui structure tout autour d'elle. Relations familiales en déliquescence (les fils travailleurs deviennent des épaves sans volonté, puis des pères absents), relations amoureuses vidées de toute dimension symbolique, rapports professionnels inexistants... le Corner est un trou noir qui happe tout et tout le monde. Qui déstructure et vide l'existence de tout sens.

Les singulières Simon Stories
La grande force de ce roman-enquête, c'est de décrire de façon méthodique, implacable et très structurée les conséquences de cette activité (et toutes ses ramifications) sur un quartier en crise. Si c'est une citation de Kafka qui ouvre le récit, il n'y a d'ailleurs pas de hasard: Simon et Burns dépeignent avec maestria la prééminence d'un système qui déchire les corps et écrase les âmes. Et contre lequel la lutte paraît vaine.

Mais là où cet ouvrage devient carrément épatant, c'est que ceux qui en sont les auteurs entremêlent subtilement des faits et une construction dramatique. Quelque part, certains trouveront cela gênant, à ne pas savoir où commence la réalité et où s'arrête la fiction... Mais on retrouve au fil des pages les caractéristiques du succès des Simon Stories, avec des personnages qui font figures d'icônes et des éléments d'analyse qui renvoient directement au monde dans lequel nous évoluons.

Lutte désespérée
à Baltimore Ouest...

Gary McCullough, fils prodigue brisé par le serpent de l'addiction qui se love dans ses entrailles; son ex, Fran, une mère qui veut porter les valeurs qui doivent permettre à ses enfants de ne pas sombrer mais qui ne peut décrocher; DeAndré, leur fils malin mais fragile face aux lois d'attraction du Corner, son pote RC qui ne cesse de hurler et qui est écrasé par la violence de son quotidien; Ella Thompson, qui a sur ses frêles épaules les espoirs d'un système éducatif qui n'a pas les armes pour mener un combat équitable; Bob Brown, flic qui refuse absolument de se résigner et coffre les junkies comme Don Quichotte combattait les moulins à vent (alors que le système pénal est complètement défaillant)... Tous ces visages, toutes ces trajectoires, vous allez les croiser dans un livre qui s'appuie aussi bien sur des données historiques que statistiques, et qui est remarquablement articulé dans sa réflexion. Un récit-témoignage mais aussi un vrai livre d'auteur, dans lequel ses deux plumes ne sont jamais avares de formules puissamment évocatrices et subtilement écrites.

Flics, dealers, profs, ados, parents, enfants, junkies... le Corner les aura tous. Et il vous aura, vous aussi.
Vous devez lire ce livre.

Bien à vous,
Benny

lundi 3 octobre 2011

Pilote contre Pilote : "Suburgatory" vs. "2 Broke Girls"

Aujourd'hui, on poursuit notre exploration des nouveautés en séries (ou des séries nouvelles: à vous de choisir), toujours en lorgnant du côté des networks américains. Et on continue de s'intéresser aux comédies, en mettant le cap sur New York avec, d'un côté, la vie en banlieue à travers Suburgatory (ABC) et, de l'autre, Brooklyn et ses rues fauchées via 2 Broke Girls (CBS).

Suburgatory: la banlieue, ça craint...
L'enfer est-il pavé de bonnes intentions? Si vous lui demandiez, Tessa Altman (Jane Levy) vous dirait sans doute "Oui" dans un grognement d'adolescente. Après que son père George (Jeremy Sisto) a découvert une boîte de préservatifs dans sa chambre, elle a été contrainte de quitter Manhattan (et ses jeunes mâles sexuellement actifs) en quatrième vitesse pour rejoindre la banlieue (les fameux suburbs). Une façon, pour le père, de protéger sa fille mais aussi de se rapprocher d'elle, alors qu'ils ne sont que deux depuis de nombreuses années (la mère de Tessa est partie alors qu'elle était très jeune).
Sauf que la banlieue façon "Wisteria Lane et collagène", ce n'est vraiment pas une partie de plaisir pour Tessa. C'est même carrément l'enfer quand on se retrouve au milieu de mères désespérément au foyer et de filles qui ne songent qu'à acheter des vêtements toujours plus courts... L'enfer, donc. Ou le purgatoire. Purgatory en anglais. D'où le titre, Suburgatory.



Comédie single camera, Suburgatory marque l'énième retour de Michael Fresco sur ABC. Fresco, c'est le genre de garçon sympa mais un peu maudit. Par le passé, on l'a en effet souvent retrouvé derrière des projets de séries bien fichues mais à la durée de vie limitée. Andy Richter controls the Universe, c'était lui. Better off Ted, aussi. Ces deux productions ont souvent plu à beaucoup de sériephiles mais elles n'ont jamais vraiment eu l'occasion de grandir, faute d'audience.



Associé cette fois-ci à Emily Kapnek, il nous propose une série plutôt sympathique mais avec un pilote qui a des hauts et des bas. L'introduction est plutôt efficace, certaines scènes sont particulièrement réussies (celle des rhinoplasties est assez géniale) mais l'histoire a un peu de mal en terme de rythme, notamment dans la seconde partie. Résultat: on sourit plus qu'on ne rit et si on compare le premier épisode de Suburgatory à celui de Better off Ted, l'ensemble manque un peu d'énergie.

Reste que le casting est bon: Jeremy Sisto est encore une fois impeccable, Cheryl Hines est plutôt effrayante et on attend de voir ce dont Jane Levy est vraiment capable. Du coup, on donne assez facilement à ce show un ticket pour revenir en deuxième semaine. Plus que pour Up All Night en tout cas.

2 Broke Girls: old school is good school
Avec la multiplication des mockumentary et des comédies single camera, on pouvait penser que la bonne vieille sitcom et ses rires enregistrés était un genre en voie d'extinction. The Big Bang Theory, How I Met Your Mother et Two and a Half Men peuvent pourtant compter sur du renfort cette saison. La petite nouvelle s'appelle 2 Broke Girls (en VF : Deux filles fauchées) et évidemment, ça (se) passe sur CBS.

Le pitch est du genre de ceux qu'on produisait par demi-douzaines chaque saison dans les années 90 aux USA. Serveuse dans un resto bas de gamme de Brooklyn, Max (Kat Dennings, parfaite), brune au verbe haut et au caractère bien trempé voit débarquer la blonde Caroline Channing (Beth Behrs, le sidekick), ex-héritière ejectée de l'Upper East Side après la faillite très médiatique de son père. Le choc des cultures est évident et pourtant c'est grâce à leurs différences que les deux jeunes femmes vont essayer de trouver la meilleure façon d'avancer.




Si le principe est basique comme la boîte à coucou (blague générationnelle qui excluera les kikoolol: désolé mes agneaux), et si on est étonné de voir Michael Patrick King (Sex & the City) s'embarquer dans une telle aventure, il faut bien reconnaître que ça marche. Et même que ça marche vachement bien. Il suffit de voir la scène d'ouverture où Kate Dennings pause d'entrée de jeu le ton, les enjeux et les caractéristiques de son personnage pour se dire que l'on a là tous les atouts du succès comique. Situations, écriture, dynamique vanne/contre-vanne... cet hommage à la sitcom old school a ce qu'il faut pour séduire les nostalgiques. Comme il a de bonnes chances de secouer dans le bon sens ceux qui pensent que How I Met Your Mother est un must en la matière.
Il ne reste donc à la série qu'à tenir ses promesses. Et si jamais l'épisode 2 est un poil faible, là c'est sûr: on a affaire à une vraie bonne comédie comme on n'en fait plus.

Bien à vous,
Benny

dimanche 2 octobre 2011

Le carré d'albums d'octobre : partie 1, "Velociraptor!" (Kasabian)

Aujourd'hui, retour aux mélodies. Et ce n'est pas trop tôt: on a du pain sur la planche ce mois-ci, côté musique. En guise d'intro, on célébrera donc le retour des Kasabian dans les bacs avec leur quatrième album. Une création forcément très attendue puisque le précédent épisode des aventures des ex-protégés d'Oasis, West Ryder Pauper Lunatic Asylum, avait été couvert de louanges par les critiques Outre-Manche... Du coup, les petits copains de Sergio Pizzorno, le chanteur, devaient maintenant assumer un statut qui les place au niveau de Kaiser Chief et Arctic Monkeys.
Pour ce faire, Kasabian a décidé de faire... du Kasabian. Lire un album britpop tapant aussi bien du côté des sonorités Indie que des rythmiques electro. Let's Roll Just Like We Used To et Days are Forgotten, les deux titres qui ouvrent l'album ne laissent aucun doute là-dessus. Une impression confirmée par GoodBye Kiss, titre plus pop comme les Anglais savent en faire de pleines brouettes... ce qui n'est pas une insulte mais confirme que le groupe a envie de perséverer dans une voie qu'il connaît très bien.

Les oreilles en terrain connu

Fainéantise ? Un peu. Avec La Fée Verte, le groupe lorgne du côté des Beatles et de Sergent Pepper, et avec Re-Wired, il fait preuve d'un peu plus d'audace mais c'est vrai que dans l'ensemble, niveau prise de risque, tout cela est un peu limité. Reste le son Kasabian. Tour à tour puissant et fin, mais le plus souvent porté par des mélodies percutantes. 





Velociraptor!, album efficace ou limité? Les fans risquent de s'opposer un petit moment sur cette question. Pour ceux qui ne connaissent pas le groupe, ce n'est peut-être pas plus mal de commencer avec cet opus. Comme ça, le meilleur est à venir... en remontant le temps et la discographie des Kasabian (notamment Empire, évoqué par ici).

Bien à vous,
Benny

samedi 1 octobre 2011

"Pan Am" peut-elle décoller vers les sommets?

Le Pitch: 1963. Le Clipper Majestic de la Pan American Airlines réalise sa première traversée New York/Londres. A son bord, l'équipage de la compagnie compose avec son travail et ses soucis personnels: des histoires d'amour qui, globalement, battent de l'aile (huhu) avec, en toile de fond, une intrigue d'espionnage.
Il fallait s'y attendre. Le monstrueux succès de Mad Men et de ses histoires au coeur des années 60 sur AMC allaient forcément connaître des déclinaisons sur les networks americains. Ce qui devait arriver arriva finalement cette rentrée, avec Playboy Club sur NBC et Pan Am sur ABC.
Si la première a complètement loupé son entrée publique et critique (il y a de fortes chances qu'elle disparaisse vite), la seconde s'en est un peu mieux sortie. Tout ça grâce à un pilote (huhu²) peut-être un peu trop didactique mais qui a le mérite de retenir l'attention... parce qu'il suscite une certaine curiosité.

Un lancement qui intrigue un peu
En fait, Pan Am est un show un peu intriguant. Fondamentalement, pour leur retour après une trop longue absence (surtout pour le premier), Jack Orman (Urgences) et Thomas Schlamme (Sports Night, The West Wing et -aussi- Mr Sunshine) esquissent sous les yeux des spectateurs une série de portraits pas toujours très originaux.
On a l'hôtesse qui décide de prendre sa vie en main en fuyant un mariage (Laura/Margot Robbie), celle qui se rend compte que l'homme avec lequel elle couche à déjà une famille (normal, elle est Française: c'est Colette/Karine Vanasse) et celle qui a du tempérament mais dont on ne sait encore que peu de choses (Maggie/Christina Ricci). On a aussi le capitaine (Dean/Mike Vogel) prêt à s'engager avec une collègue de travail mais qui découvre bien vite que celle-ci est partie. S'il n'y a rien de révoltant à retrouver des choses déjà vues, on sait aussi que pour convaincre l'audience, l'équipe de scénaristes va devoir particulièrement soigner la caractérisation de ses héros. Sinon, ce sera le crash.
A côté de ça, le récit, lui, est truffé de flashback qui permettent de présenter les multiples protagonistes tout en apportant une tension dramatique qu'un voyage en avion ne garantit pas forcément. Ça marche plutôt bien puisque l'on ne s'ennuie pas... mais l'articulation présent/voyage dans le passé des personnages manque parfois de souplesse.

La Guerre froide à travers le hublot
Parallèlement (et heureusement), ce premier épisode de Pan Am s'appuie aussi sur des points forts. A commencer par le personnage de Kate (Kelli Garner), une femme embarquée dans une histoire d'espionnage au coeur de la Guerre froide. Immerger le récit dans cette spécificité des 60's est une idée originale. Casse-gueule aussi parce qu'il faut que cette trouvaille s'intègre à l'ensemble. Mais pour ses débuts, la série ne s'en sort pas trop mal sur ce point, notamment en introduisant une part de mystère avec le personnage de Bridget (Annabelle Wallis), la femme qui laisse Dean dans l'expectative...
L'autre force de Pan Am, c'est l'enthousiasme qui porte la narration, plutôt alerte par à-coups. Le prologue notamment, où l'on voit les différents personnages se préparer pour l'embarquement alors que Maggie traverse New York pour remplacer au pied levé Bridget (qui devait prendre part au vol) est à ce titre très dynamique. C'est peut-être la musique ou la mise en images, mais ça m'a rappelé le lancement du pilote de The West Wing (toutes proportions gardées).

A quoi ressemblera la suite ?
Au bout du compte, ce premier voyage dans les sixties n'est pas décevant. Au contraire, il intrigue parce que l'on ne sait pas vraiment ce que l'on va voir par la suite. Est-ce qu'on va avoir droit à une sorte de soap girly truffé de "références flashback" à l'histoire des héros? Est-ce que ce sera, au contraire, une saga mêlant des portraits travaillés et plongés intelligemment dans tout un pan de l'histoire mondiale? Est-ce que ce sera moins ambitieux, franchement bancal et même carrément overzetop? On ne sait pas : tout est possible. Le bon comme le mauvais. Mais il y a plusieurs éléments, parsemés ça et là, qui donnent envie de connaître la suite.
Alors, attachez votre ceinture... en attendant l'épisode 2.

Bien à vous,
Benny