mardi 8 mars 2011

"Generation Kill" : Les anti-héros de guerre

"Bagdad, Irak, 2003. Mission: imprécise. Ennemi: non-identifié. Durée de la mission: inconnue".

On dira ce qu'on voudra sur les jaquettes de DVD en général, mais celle du coffret de Generation Kill a le sens de la formule. Et surtout celui de la concision. Adaptation du roman eponyme d'Evan Wright, journaliste de Rolling Stone, cette courte mini-série (sept épisodes, donc oui on peut dire courte: ce n'est pas si redondant que ça) est assurément un ovni dans le genre "série de guerre".

Plantés dans le désert (mais pas trop longtemps)


Si vous vous attendez à une version irakienne de Band of Brothers, vous pouvez laisser tomber tout de suite cette idée. Et si vous imaginez une adaptation de The Wire dans l'univers de l'armée (l'adaptation du bouquin a été confiée à David Simon et Ed Burns, producteur des aventures de Omar, McNulty et tous les autres), vous risquez d'être également un peu surpris.
Car Generation Kill est ce que l'on peut appeler une expérience à part. Troublante. Plutôt abrupte, surtout dans sa narration.
L'histoire? C'est celle du premier bataillon de reconnaissance des Marines avec, en son sein, des Américains venus de multiples horizons. Dès le premier épisode, le téléspectateur est littéralement balancé dans le désert, au milieu de (beaucoup de) gars qui attendent de partir en mission... et il va devoir se créer ses repères tous seuls. Burns et Simon prennent effectivement un malin plaisir à complexifier le récit pour renforcer l'impression de réalisme.
 Il faudra attendre l'arrivée du personnage qui joue le rôle de Wright (mais qui n'a pas de nom : il est interprété par Lee Tergesen) pour que les choses se simplifient quelque peu pour le public. Et qu'on embarque avec lui à bord de l'équipe Hitman 2-1, emmenée par le sergent Brad Iceman Colbert (Alexander Skarsgard).

Captain America est un gros con

Le choix de placer le spectateur en immersion totale colle en tous points avec l'ambition de scénaristes de Generation Kill. Cette nouvelle intervention américaine survient en effet dans un contexte plus que chaotique. Les soldats imaginent être là pour libérer le peuple irakien ? Ils vont traverser le pays sans véritablement s'arrêter, enchaînant les interventions sans véritable conducteur... et surtout, sans faire ce pour quoi ils ont été entraînés : remplir des missions de reconnaissance.
Dans Generation Kill, la guerre est tout sauf une histoire de héros. La faute à un état-major plus que vacillant, incarné en premier lieu par le capitaine du First Recon rebaptisé ironiquement par ses troupes Captain America. Ici, les gradés sont incapables d'avoir une vision à long, voire à moyen terme. Incapables de donner à leurs hommes le matériel dont ils ont besoin, ne serait-ce que des piles pour des lunettes à infra-rouge. Incapables de mobiliser véritablement des troupes livrées au vent d'indications contradictoires.
 Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de bons soldats dans cette guerre. Colbert en est un, Ray Person, le pilote de son Humvee en est un autre. Comme le chef de leur section, le lieutenant Fick, qui sait être à l'écoute et a du bon sens. Mais il y a aussi les troufions de base, venus pour tirer sur tout ce qui bouge, comme Trombley. Une arme de guerre plus que dangereuse dans un contexte plus que flou. Il y en a dans tous conflits armés... mais ici, ils apparaissent encore plus dangereux.

L'inertie en plein écran

Réquisitoire sans pitié, Generation Kill est aussi et surtout une description méticuleuse des effets de l'inertie sur les hommes.
Il ne faut en effet pas s'y tromper : si les marines de Generation Kill vont remplir les missions qu'on va leur confier, ils seront bien incapables de dire quel était le but final poursuivi... ce sont d'authentiques anti-héros de guerre, qui subissent les événements sans jamais avoir une véritable prise sur ce qui se passe.

Un propos audacieux, étayé de manière méticuleuse, mais inscrit dans une narration singulière et qui laisse peu de place aux aménagements classiques (Burns et Simon ne cherchent pas forcément à créer de complicité entre leurs héros et le public). C'est ce qui fait qu'il faut vraiment s'accrocher pour rentrer dans l'histoire. Un peu plus qu'avec The Wire, je pense. Il faut donc s'investir dans le récit.



Mais le final, qui résonne sur des notes de Johnny Cash, vous fait dire, au bout du chemin, que cela vaut assurément le coup.

Bien à vous,
Benny

2 commentaires:

Stéph a dit…

Voilà une mini-série qui paraît bien intéressante ! et dont je n'avais pas eu vent avant ton billet.
Dans le même genre (d'après ce que tu en dis du moins) j'ai gardé un très bon souvenir de Over There, éphémère série (une seule saison non renouvelée) qui traitait déjà de la guerre en Irak sous l'ère Bush. Le point de vue était également celui des soldats engagés dans un conflit qui les dépasse, qu'on leur a vendu pour ce qu'il n'est pas au final. Un regard à la fois critique et désabusé sur leur statut de "héros" et de "sauveurs".

Je me laisserais peut-être bien tenté par Generation Kill dès que j'aurai rattrapé mon retard en terme de séries intéressantes en retard de visionnage !! Merci pour le tuyau.

Benny a dit…

@ Stéph:

Tu veux parler de ça ? http://lemondedebenny.blogspot.com/2008/01/over-there-lenvers-du-devoir.html

Moi aussi, j'avais bien aimé. Et je suis bien content que ce petit billet t'ai donné envie de jeter un oeil à Generation Kill. Ça vaut le coup. N'hésite pas à donner ton avis ici après l'avoir vue.
A bientôt :)