mardi 31 mars 2009

"Damages" et les ombres de l'ambition (Partie 2 : Fiske & Frobisher, menteur, menteurs)

A la lecture du pitch de la série, on aurait pu imaginer qu'ils seraient les deux bad guys de la saison 1. Ceux qui cristallisent les rancoeurs et/ou la fascination parce qu'ils sont aussi fourbes que complexes. Mais ni Arthur Frobisher, le tout puissant magnat new yorkais, ni Ray Fiske, son fidèle avocat, ne sont tout à fait les diables en costume auxquels on pouvait s'attendre. La faute à Patty Hewes, anti Ted Hoffman (l'avocat vedette de Murder one) en tailleur. La faute aussi, à un script qui leur donne un rôle plus étonnant. Un peu en retrait et pour autant, vraiment présents.

Arthur Frobisher,
le mensonge pour faire illusion


La force d'une bonne série, c'est de vous présenter ses personnages clefs en une scène. Avec Arthur Frobisher, on n'est pas déçu. La première fois qu'il apparaît dans le pilote de Damages, on le voit participer à une course de motocross, destabiliser son principal adversaire (son beau-frère) d'un coup de pied et remporter la course. D'entrée de jeu, les frères Kessler et Zelman ne laissent pas de place au doute. Cet homme triche. Cet homme ment. La question n'est donc pas de savoir s'il est ou non coupable des charges qui pèsent sur lui. Il s'agit plutôt de savoir comment il va faire pour préserver son prestige, intégralement bâti sur un mensonge.
Car il y a deux Frobisher. Celui dont Frobisher lui-même ne cesse de parler : un self made man qui a bâti seul son empire, alors qu'il n'avait rien pour lui et qu'il est atteint de dyslexie. Un homme désireux de protéger sa femme et ses enfants de la tempête médiatique au centre de laquelle il se trouve. Et puis, il y a le Frobisher que l'on voit agir au fil des épisodes. Suffisant, faible, infidèle et méprisable.

Vaines conquêtes

Le personnage (superbement) incarné par Ted Danson ne s'exprime en effet qu'à travers la conquête. Celle des femmes comme celle des affaires. Mais il est incapable de gérer les choses. C'est à cause de la gestion désastreuse de sa compagnie qu'il est désormais sur le banc des accusés. C'est à cause de ses incartades que son mariage est plus que fragile.
Pourtant, il feint d'ignorer tout cela. Un peu comme s'il voulait consacrer toute son énergie à l'image qu'il essaie vainement, désespérement, de renvoyer de lui-même. Le fait qu'il arpente régulièrement un terrain en construction (là où il compte bâtir son prochain projet professionnel) démontre bien tout cela. Et il n'est pas étonnant que ce soit là-bas que s'achève pour lui la saison 1.

Ray Fiske, le mensonge qui étouffe

Il est aussi petit et pâle qu'Arthur Frobisher est grand et bronzé. Avocat de la défense, Ray Fiske est assurément un des plus beaux personnages de Damages. Discret, secret. Un homme de loi passionné par le droit et son univers foisonnant de symboles.
Patty Hewes affirme qu'elle respecte énormément Fiske. Même s'il est difficile de toujours démêler le vrai du faux dans ses propos, je serai tenté de la croire. Plutôt en fin de carrière, Fiske est un professionnel expérimenté. Un homme qui aime le jeu d'échecs qui se met en place entre lui et Patty tout au long de la saison. Pour Patty, c'est parce que derrière les mots, il y a le pouvoir et les millions de dollars. Pour Ray, c'est parce que derrière les mots, il y a des hommes (au sens premier).
Depuis de très nombreuses années, il est l'avocat de Frobisher et compte bien ne pas laisser tomber celui qui est devenu un ami. Mais cette affaire met également en lumière tout un pan de la personnalité de Fiske. Des choses qu'il a longtemps gardées en lui, enfouies. Poursuivi par des cauchemars remarquablement mis en images, l'homme de loi est lui aussi quelqu'un qui ment. A tout le monde, à ses amis comme à sa famille. Mais d'abord à lui-même. Et lorsque l'on découvre la vérité, on ne peut que comprendre pourquoi cet homme est si fatigué... son mensonge l'a vidé.

Ivanek en pleine lumière

Je ne peux pas trop en dire afin de ne pas déflorer la surprise pour ceux qui n'aurait pas encore vu cette saison. Pour autant, le parcours de Fiske, la découverte de ses motivations et la façon dont il réagit aux événements sont assurément la plus belle réussite de cette saison 1. Il apporte un certain contre-poids au personnage de Patty Hewes. Ce faisant, il donne encore plus de force au personnage de Glenn Close. Il fallait bien le talent de Zeljko Ivanek (solide second rôle dans Homicide et Oz notamment) pour que la magie opère. L'Emmy award 2008 du meilleur second rôle qu'il a reçu n'est donc que... justice.

Bien à vous,
Benny

lundi 30 mars 2009

"Damages" et les ombres de l'ambition (Partie 1 : Ellen Parsons, Patty Hewes 2.0 ?)

Amateurs de trilogies, Le Monde de Benny remet ça en chroniquant une série complexe et dont il est difficile de dire un maximum de choses en un seul post. Voilà pourquoi, au moment de m'intéresser à la série de Todd Kessler, Glenn Kessler et Daniel Zelman, j'ai pris le parti d'attaquer la saison un sous trois angles. Le premier étant les liens qui unissent les deux héroïnes de la série Ellen Parsons (Rose Byrne) et Patty Hewes (Glenn Close).

La force et ses symboles

Un premier thème incontournable quand on veut parler de ce drama, parce qu'il met également en exergue un des principaux aspects de cette singulière série judiciaire : Damages, c'est une série qui met en scène avec acuité la violence symbolique.
Ne nous y trompons pas : la violence physique existe dans la série, le sang coule à plusieurs reprises. Les scènes autour desquelles se stucturent tous les flash forward (puis les flash back dans le dernier épisode) fonctionnent principalement autour de ces actes. Mais toute la tension, l'atmosphère oppressante qui caractérisent la série, reposent sur l'évolution du rapport de force qui existe entre Patty et Ellen.

Duel et dualités

Dans le pilote, Ellen Parsons s'apprête à rejoindre le cabinet de Hollis Nye lorsqu'elle reçoit une proposition de Hewes & Associates. Le cabinet est sous les feux de l'actualité. C'est lui qui défend la plainte au civil des salariés d'Arthur Frobisher (Ted Danson). Ces derniers accusent leur ex patron d'avoir vendu ses actions juste avant que ne coule l'entreprise. L'homme d'affaires se serait ainsi grassement rétribué alors que ses employés ont tout perdu.
En deux échanges (dans les couloirs du cabinet... et au mariage de la soeur d'Ellen. Dans les cabinets. Désolé), Patty parvient habilement à convaincre Ellen de rejoindre son équipe. Comment ? En jouant sur sa fine connaissance des sentiments humains. Ellen est foncièrement ambitieuse, Patty le sait. Et Patty sait aussi qu'elle fascine la jeune avocate.
Rien d'étonnant à dire vrai : véritable pitbull quand il s'agit de négocier avec ses pairs, Hewes est également une très bonne oratrice. Notamment quand il s'agit de convaincre les salariés d'Arthur Frobisher qu'elle ne pense qu'à défendre leurs intérêts.

Ellen et la quête de justice


Pourtant, très vite, Ellen comprend que Patty est manipulatrice. Dans un premier temps, confortée par Tom Shayes (Tate Donovan), elle se voile la face et refuse de l'admettre.
Convaincue que Patty ne pense comme elle qu'à la justice (même si ses méthodes ne manquent pas de poser question), elle va peu à peu évoluer dans sa façon de concevoir les choses.
Insidieusement, Patty fait évoluer le point de vue d'Ellen. En évoquant la difficulté à assouvir ses ambitions quand on est en couple. En lui conseillant de congédier son assistant empoté. Tout cela par petites touches. Mais de manière très efficace. A un moment, on se surprend même à penser qu'Ellen change physiquement. Quand Ellen retrouve Greg Malina dans le prologue de l'épisode 1.06, la jeune femme à les cheveux en chignon, le visage dur et des yeux cachés derrière des lunettes noires.
A ce moment, alors qu'elle menace le jeune homme de représailles s'il n'apporte pas son soutien à Hewes & Associates, on se dit qu'elle devient de plus en plus comme Patty. Une femme qui veut la fin.
Pour elle pourtant, les moyens de parvenir à son but font encore l'objet d'une vraie réflexion. En particulier, dans le cercle intime, lorsqu'elle évoque l'affaire avec son fiancé David. On ne peut s'empêcher toutefois de se demander : dans un univers si particulier, combien de temps cela va durer ?

Patty et l'ivresse du pouvoir

Ce qui attire Patty, c'est le pouvoir. Dans les médias, face aux juges. Face aux plaignants, devant ses collaborateurs. Au cabinet, on craint Patty Hewes. Littéralement. Il suffit de voir le parcours de son bras droit Tom Shayes, un formidable personnage. Aspirant au pouvoir mais incapable d'assumer, dans un contexte dur, ses aspects les plus violents (la confrontation avec ceux qui vous ont fait, la peur de ne pas être à la hauteur), Shayes est un faible.

Là aussi, il suffit à Patty d'utiliser sa brillante connaissance des rapports humains pour, en une seule conversation, écraser les velleités de Tom. C'est un numéro deux, un passe-plat. Point barre.

L'étrange écho des entourages

On peut imaginer, au départ de l'histoire, que Patty Hewes considère Ellen de la même façon que Tom. A ceci près, que la jeune femme lui ressemble en de multiples points. Elle est brillante, opiniâtre. Elle a du tempérament et du répondant. Et elle est surprenante.
A plusieurs reprises, Ellen fera valoir toutes ses qualités alors que Patty ne s'y attend pas. L'avocate va devoir changer d'avis sur sa jeune collaboratrice tout en ayant à gérer des problèmes personnels. Michael, son jeune fils prend effectivement un malin plaisir à lui contester dans la sphère privée ce pouvoir que personne d'autre ne lui dispute.
Leur situation personnelle se répondent d'ailleurs dans un bien étrange écho. Pour Ellen, David est la stabilité, le garant de certaines valeurs. Pour Patty, Michael est celui qui destabilise. Celui qui, en l'obligeant à réagir à ses provocations, lui fait prendre conscience de ce qu'elle est devenue.

Deux doubles fragiles
au bout du chemin


Alors que le dénouement approche, Patty va enfin s'apercevoir qu'Ellen est son double. Peut-être ce qu'elle était il y a de nombreuses années avant d'être soulée par le pouvoir et ses compromissions. Prise au piège entre sa volonté de garder ce pouvoir et le désir de garder auprès d'elle cet autre "moi", garant de certaines valeurs morales (ne serait-ce qu'en apparence), Patty paraît, en fin de saison, considérablement fragilisée. Au point de bientôt chanceler ? Rien n'est moins sûr...
Ellen, elle, semble toute aussi fragile. Plus que jamais portée par la volonté de faire triompher la justice, elle veut aussi se venger de tout ce qu'elle a subit, de tout ce qu'elle a perdu pendant l'instruction de l'affaire Frobisher. Et la vengeance emprunte des chemins autrement plus tortueux, autrement plus dangereux. Parviendra-t-elle, seule contre les autres, à atteindre son objectif sans se perdre ? Alors que sa vie devient finalement un mensonge, le doute est réel.

Bien à vous,
Benny

PS : bon, ben pour le texte court, on repassera... Damn you, Damages !

dimanche 29 mars 2009

L'album de mars : "Empire" (Kasabian)

Salut à toi, ami lecteur : après de longues semaines de silence, voici une bonne nouvelle, je suis en vacances. J'aurai donc (a priori) un peu plus de temps à consacrer à ce blog. Et on commence en parlant musique sur un mode "Faisons du neuf avec du vieux". J'ai en effet extirpé des rayons CD un album qui ne date pas vraiment d'hier mais n'est pas complètement une vieillerie non plus. Ah, les joies des promos d'hiver...
Deuxième album du groupe né à Leceister, en Angleterre, Empire est surtout connu pour un titre. Shoot the runner est effectivement le premier single qui a vraiment fait connaître la bande emmenée par Tom Meighan. Chez Kasabian, on mélange rock mélodique, pop et electro de façon efficace. On peut même dire que certains titres sont carrément excellent, comme By me side, Sun rise, light flies ("Le soleil se lève, la lumière s'envole"... prenez moi pour un idiot, mais je trouve ça superbe) et surtout, surtout, The Doberman.

Un peu d'harmonie, ça fait du bien...

L'an dernier, presque à la même époque, je me montrais assez réservé pour parler de The Last shadow puppets. Avec Kasabian, je comprends mieux pourquoi. Dans Empire, on a une utilisation inventive et régulièrement surprenante de différents styles musicaux pour donner de la puissance, de la profondeur et du rythme aux chansons. On appelle ça de l'harmonie et une certaine capacité à éviter la facilité. C'est en cela que la petite dimension "symphonique" des titres de Kasabian fait mouche dans cet album. Chez The Last Shadow puppets, on restait toujours un peu dans la même veine et c'était pour le moins lassant.
Empire n'est certes pas le plus grand album de l'histoire, tout n'est pas génial loin s'en faut. Mais il est suffisamment équilibré et abouti pour séduire plus d'une paire d'oreilles. Et tant pis s'il faut farfouiller dans les bacs de la Fnac, et remonter à l'an 2006 pour le redécouvrir.

Bien à vous,
Benny

LE PARAGRAPHE QUI FAIT BIEN PARCE QU'IL FAIT CULTUREL (Si,SI) : le nom du groupe fair référence à Linda Kasabian, une hippie qui avait été choisie par Charles Manson pour assister et témoigner des meurtres qu’il allait perpétrer dans la villa de Sharon Tate. Vous pourrez le placer en soirée. Ca fait classe et ça me fait plaisir.

mardi 3 mars 2009

Le film de mars : "The Wrestler"

Randy "The Ram" Robinson est une image. C'est d'ailleurs avec elle que débute The Wrestler. Sur un puissant thème musical, très 80's dans l'esprit, on voit défiler des photos du catcheur qui a fait vibrer l'Amérique des années quatre-vingts. Et puis les images disparaissent. Fondu au noir, avant que l'on n'entende la quinte de toux d'un homme fatigué. Vingt ans ont passé. Avec une intro soignée, Aronofsky a tout dit.

Ram le catcheur

Grâce à ce nouveau long-métrage, le réalisateur de Requiem for a dream revisite le dyptique présence/représentation. The Ram, c'est un personnage qui n'existe pas. Un héros du ring qui retourne ses adversaires comme se retournent les situations qu'il vit dans ses combats scénarisés. Un fils du spectacle qui s'est rendu célèbre en sautant par dessus la troisième corde pour achever ses combats. Qu'importent les coups, la sueur et le sang qui coule : le plus important c'est de combler le spectateur...

Randy et son coeur

Sauf que le sang de The Ram, c'est d'abord celui de Randy Ramzinsky. L'homme que l'on rencontre au tiers du film sur un lit d'hôpital, après l'avoir aperçu près d'un van. Un bonhomme usé. Seul. Un mec plutôt paumé, père d'une fille qui ne veut plus lui parler. Un gars qui porte un sonotone et essaie maladroitement de recoudre les morceaux d'une vie privée en lambeaux. Un homme de coeur bien décidé à changer, à assumer ses choix et ses non choix.
Le problème, c'est que Randy ne connaît pas le scénario de la vie hors du ring. Qu'il n'est personne dans les rues comme dans le supermarché qui l'emploie (sur sa blouse, son nom est Robin). Un néant qui ramène Randy au vide de sa propre vie, une fois les projecteurs éteint : quand il est lui, il n'est rien. Et surtout rien de ce qu'il voudrait laisser voir. Les années 80 paraissent si loin...

Oublions Balboa

Certains affirment que The Wrestler arrive trop tard, que la charge émotionnelle qui accompagne le récit pâtit d'une impression de déjà vu. Pour eux, Rocky Balboa a déjà tout dit. Je ne suis pas d'accord, pas du tout. D'abord parce que le parcours de The Ram me semble plus cohérent et plus crédible que celui de Balboa. Ensuite parce que la conclusion de The Wrestler est autrement plus puissante que celle des aventures du boxeur de Philadelphie.

Rourke et Tomei, lost from the 80's

Entièrement construite autour du personnage de Mickey Rourke, l'histoire de The Wrestler est juste, dure, mais très maîtrisée. Elle bénéficie aussi de l'excellente prestation de Marisa Tomei, tout simplement géniale en strip teaseuse qui vit dans la nostalgie des 80's. Elle aussi tombera sous le charme de Ramzinsky. Un fragile colosse, lancé dans une terrible course après son image.
C'est beau. C'est émouvant. C'est un film qui vous marque.

Bien à vous,
Benny