mardi 18 mai 2010

Trop gay pour être acteur ?

C'est la polémique la plus chelou de la semaine... et j'en ai entendu parler ce mardi dans l'Edition Speciale de Canal + (*). Aux Etats-Unis, un article de Newsweek crée le trouble en affirmant qu'un acteur gay ne peut pas être crédible en hétéro. Principale cible de l'auteur du papier, Ramin Setoodeh : Sean Hayes, l'inoubliable et très attachant (mais aussi très gay) Jack McFarland dans  la sitcom Will & Grace.
Ce dernier se produit actuellement à Broadway dans une reprise de la comédie musicale Promises, Promises, avec la non moins géniale Kristin Chenoweth (Annabeth Schott dans The West Wing) et il sert de prétexte à une théorie assez... consternante de la part de Setoodeh. Le titre du papier vous donnera le ton : "Les acteurs hétéros peuvent jouer plein de rôles d'homo : pourquoi l'inverse ne fonctionne pas ?".

C'est partial, c'est partiel... et c'est effarant

Un papier comme on les aime : aussi partial que partiel, dans lequel on n'hésite pas à balancer que si Hayes est un artiste à la répartie cinglante, il n'en demeure pas moins bizarre de le voir jouer un hétéro... alors qu'il est gay. Là-dessus, Setoodeh brode toute une théorie selon laquelle Neil Patrick Harris (Barney Stinson de How I met your mother) livre une prestation caricaturale de bourreau des coeurs hétéro (lui aussi est gay). Pareil dans Better off Ted où Portia de Rossi (Veronica Palmer) jouerait un personnage peu crédible.
Voilà pourquoi, toujours selon l'auteur de cet article, il vaut mieux réflechir à deux fois avant de se déclarer ouvertement gay quand on est comédien : cela impacterait la perception que le public a de vos prestations, qu'il s'agisse des spectateurs... ou des producteurs.

Faux débat...

Bon, bon, bon...
Perso, je n'ai pas vu Better off Ted, mais je me souviens très bien de Portia de Rossi dans Arested Development ou Ally MacBeal. Et j'en ai bouffé du Barney Stinson il y a quelques mois. Très honnêtement, tout ça me semble bâti sur du vent. Dans HIMYM, Harris me gonfle souvent. Enfin disons que c'est la propension des producteurs à utiliser son personnage tout le temps et n'importe comment qui me fatigue. Et tout ça n'a rien à voir avec ses orientations sexuelles.
Dans Arested Development, de Rossi est impeccable comme le reste de la distribution, et je me fiche bien qu'elle soit lesbienne. On en revient donc à l'évidence : tout est une question de qualité. Qualité de l'acteur, qualité du rôle, qualité de l'évolution de ce rôle (traduction = qualité de l'histoire). Et, sauf retournement de situation, je suis loin d'être un spectateur largement au-dessus des autres.

... mais vraie question en toile de fond ?

Il s'agirait donc d'un combat d'arrière-garde assez vain, à ceci près que :

- Le rédacteur de l'article est gay, et n'en est pas à sa première polémique
- Sean Hayes vient juste d'avouer son homosexualité, tout comme Jonathan Groff (Jess) dans Glee, dont il est aussi question dans l'article
- Pour Lance Black, scénariste d'Harvey Milk également monté au créneau, "l'Amérique commence à s'ouvrir aux acteurs ouvertement homos dans des rôles d'hétérosexuels" (plus d'infos avec l'article de Sullivan Le Postec, habitué du site Le Village si je ne m'abuse, et qui a sévi sur le site de Tétu, pour le coup)

Qu'est-ce que ça change par rapport à ce qui a été dit plus haut ? Rien, absolument rien. Mais cela révèle le contexte extrêmement complexe dans lequel évoluent les acteurs gays aujourd'hui: les préjugés ne demandent qu'à prendre un peu plus de relief à la moindre occasion. Comme ici par exemple.
Si la question de Ramin Setoodeh a encore un gros retentissement Outre-Atlantique, c'est qu'il reste sans doute encore pas mal de boulot. Et encore plus que ça si beaucoup de spectateurs/producteurs/diffuseurs souscrivent, consciemment ou inconsciemment, au schéma décrit dans son article. Un schéma qui conditionne des réflexes hyper chosifiants et destabilisants, qui vous réduisent à une partie de ce que vous êtes comme si vous deviez en avoir honte, alors que ce n'est pas le cas. Des réflexes qui ne sont jamais que l'expression d'une éducation - ou plutôt de l'abence d'éducation sur ces questions.
Ca sous-tend ce qu'on appelle une logique de discrimination, et ça ne concerne pas que les gays.
Et au milieu de tout ça, pour revenir à notre histoire (**), on rappellera qu'il y a deux mecs. Eh oui : très franchement, même si j'imagine qu'ils en ont vu d'autres, je me dis que ça ne doit pas être simple d'être confronté à une situation aussi aberrante quand on s'appelle Sean Hayes ou Jonathan Groff (***) et qu'on vient de faire son coming out.
Oui: il y a deux mecs et sûrement un peu plus.

Bien à vous,
Benny

(*) : On félicitera l'équipe de l'émission d'avoir mis une photo d'Eric McCormack (Will, dans Will & Grace) pour illustrer le sujet en arrière-plan avec écrit en gros dessous "Sean Hayes".

(**): Pour en revenir à l'Edition Spéciale, le prix special du jury reviendra toutefois à Ariel Wizman, chroniqueur de l'émission, qui a dit "Oh mais arrêtez : là, on vient de voir Lambert Wilson embrasser le réalisateur Xavier Beauvois sur la bouche et personne n'est gêné de savoir qu'il est gay depuis un moment".
Réponse de Bruce Toussaint : "Ah mais Ariel, Lambert Wilson a jamais dit qu'il était gay. Et il a embrassé sur la bouche une actrice du film de Beauvois juste après"
Réponse de Wizman, interdit : "Ah...".

(***) : Pis lui, il a vraiment pas de chance : Glee, ça sent pas bon des pieds...

PS : Et la prochaine fois, un truc spécial que devineront à l'avance tous les forts en maths.

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