
Charlie Crews (Damian Lewis) est inspecteur de police à Los Angeles. Lorsque début
Life, il revient sur le terrain après quinze années d'absence. La raison : il a été emprisonné à tort pour le meurtre d'un de ses coéquipiers, Tom Sybolt. La nuit du crime, le meurtrier a également tué la femme de Sybolt et son jeune fils. Un triple meurtre pour lequel Crews a longtemps clamé son innocence.
En vain.
Il lui faudra attendre de longues années avant que son avocate, Constance Griffiths (Brooke Langton), ne parvienne à prouver, tests ADN à l'appui, que Charlie n'est pas le coupable.
A sa sortie de prison, Crews reçoit plusieurs millions de dollars en dédommagement. Une aubaine mais notre homme n'y attache pas une énorme importance. En prison, là où il fut l'objet de mauvais traitements infligés par des codétenus trop contents de se défouler sur un flic déchu, il a fait une découverte qui lui a permis de ne pas flancher.
Cette découverte, c'est le bouddhisme.
Dans un monde où tout va trop vite, où l'on est de plus en plus dépendant de la technologie, Crews est un peu comme un poisson sur du gazon. Plutôt paumé. Il essaie donc reprendre le cours de sa vie là où elle s'est arrêtée. Désormais lieutenant, il compte sur son sens de l'observation, son sourire et... son amour des fruits pour atteindre ce but. Même si pour cela, il devra aussi découvrir qui l'a conduit derrière les barreaux.
Rand Ravich est un petit malinPas facile de lancer un cop show à la fin des années 2000, à plus forte raison quand vous êtes diffusé sur un network. Impossible d'avoir la liberté de ton de
The Shield. Difficile aussi de surprendre le public quand
Law & Order, NYPD Blue et
Homicide ont déjà dit beaucoup de choses. Et en plus, vous devez compter avec les productions Brukheimer qui ont bien asséché le filon. "Difficile mais pas impossible", vous répondrait Rand Ravich, créateur de
Life.
La grande force de cette série, c'est peut-être la simplicité de sa démarche. A une heure où les formula show saturent le petit écran américain,
Life prend le contrepied du modèle dominant avec une certaine subtilité.

Vous en avez assez des personnages conçus dans le même moule, bataillant entre les affaires qui accaparent le récit et leurs démêlés soapesques en arrière plan ? Charlie Crews marque le retour du héros "moteur de l'intrigue". Ce sont ses réactions, ses déductions qui font avancer l'enquête. Il est omniprésent et toute une galerie de personnages gravite autour de lui. Crews, c'est le Grégory House du LAPD. Plus léger, plus cool. Plus complexe aussi, peut-être.
Vous redoutez la structure rigide de la série produite par David Shore ? Ravich, ce petit malin, est d'accord avec vous. Il intègre donc une histoire en fil rouge (celle du meurtre des Sybolt et ses conséquences) qui se poursuit dans chaque épisode, sans pour autant alourdir le procédé. A croire que le garçon a vu ces remarquables fiascos que furent
Le Caméléon ou
Profiler, deux séries aux prémices pourtant pas complètement inintéressants dans la forme. Ou alors il a vu
Lost et a déjà des tatouages magiques sur les fesses, c'est selon...
Au bout du compte, le créateur de Life n'a pas inventé LE concept des années à venir. Mais il semble avoir suffisamment bien compris les forces et faiblesses des shows actuels et passés pour proposer un mode de récit efficace.
Un homme et une femme flicsUn mode de récit qui vient une nouvelle fois se mettre au service... de bons personnages. Je sais, ça va finir par être lassant mais les seuls scénaristes qui arrivent encore à retenir l'attention des téléspectateurs sont ceux qui ont pris le temps de véritablement poser la complexité de leurs héros.
Avec Crews, le pari semble gagné. Le grand rouquin s'attache à rester zen et avenant en toutes circonstances. Mais cela ne l'empêche pas d'être en proie à ses démons. Au plus fond de lui-même, Charlie est un homme en colère. Avide de revanche. Parfois, cette colère éclate à la face du monde. Tout l'intérêt de l'histoire est donc de voir dans quelle mesure il est capable de maîtriser son côté sombre. Une sorte de
Dr Jekyll/Mr Hyde fana des pommes et autres kumquats.
A ses côtés, il y a Dani Reese qui est un peu son opposé. L'ex agent des stups est en colère permanente. Contre le monde, contre elle-même (elle est devenue accro) et contre son père. Mais elle est toute aussi désireuse de reprendre le contrôle de sa vie que Crews. Très vite, l'une va apprendre à compter sur l'autre et vice-versa.
Lewis/Shahi : paire d'asComme ces deux personnages sont campés par deux excellents acteurs, on se laisse facilement porter. Si le charisme de Damian Lewis n'avait échappé à personne depuis
Band of brothers (que son absence à la télé fut longue !), celui de Sarah Shahi est plus surprenant. L'actrice n'est pas seulement une fille à la belle plastique, elle apporte énormément à son personnage. Elle démontre au passage qu'un bon personnage ne suffit pas si on n'a pas un bon interprète pour faire le travail qui va avec (spécial dédicace à Milena Govich, pantin désarticulé dans
Law & Order).
Reste... à durerOn ajoutera pour finir plusieurs bons points : l'esthétisme des images et des découvertes de cadavres (oui, je sais ça rappelle parfois
CSI), l'excellente bande son (moui, comme Cold Case), un grand adversaire pour le héros (interprété par le toujours grandiose Garrett Dillahunt) et on obtient sans doute la meilleure série à voir actuellement sur un network
[EDIT : en tout cas, parmi les récentes nouveautés]. Pas une création exceptionnelle ou bluffante, mais sans prétention et solidement structurée.
Je le redis : Rand Ravich n'a rien inventé, il joue même habilement sur la culture télé de son public. Mais on sent aussi que c'est lui la voix du show : ses épisodes sont les meilleurs. Comme les vieux showrunners old school. Aussi, s'il parvient à préserver un certain équilibre dans les éléments énumérés plus haut, cela lui évitera peut-être de se prendre un mur comme Shonda Rhymes (
Grey's anatomy), Tim Kring (
Heroes) et bien d'autres.
Bien à vous,
Benny