lundi 19 mai 2008

Le livre de mai : « Le salaire de la sueur » (Michel Roux)

Une fois n’est pas coutume sur ce blog, je vais parler football. Non, pas la descente de Lens en ligue 2. Non, pas la montée de Grenoble, même si, en y réfléchissant bien, il y aurait des choses à raconter… Non.

Si le football est pour moi un sport fascinant, c’est parce que derrière onze gars en short qui courent après un ballon, il y a parfois toute une aventure humaine. Celle d’une équipe, et plus largement d’un groupe. Peu importe tout l’argent que vous pouvez mettre sur une table, si cet effectif ne fait pas un ensemble homogène, prêt à faire face à toutes les difficultés, cela ne sera qu’un gâchis.

Le foot, cette aventure humaine…


Pour qu’un groupe naisse, il faut un bon entraîneur. Capable de tirer les joueurs vers le haut en leur transmettant des idées parfois toutes simples mais imparables.

Daniel Leclercq, directeur général de Lens, a essayé de faire ça en rappelant aux footballeurs artésiens que « le cœur donne la direction et la tête, derrière, apporte la solution » (comme quoi, coach Taylor dans Friday Night Lights n’a rien inventé). Pourtant, il a échoué. Le football, la formation d’un groupe, dépasse toute logique. Il faut les bonnes personnes au bon moment, le discours qui permet d’aller de l’avant et… une bonne dose de chance.

Un décor… et le grand vide


C’est ce qui est arrivé à Valence, lors de la saison 2004/2005. Tout commence en juillet 2004. L’équipe du chef-lieu de la Drôme vient de descendre en National -l’équivalent de la troisième division du championnat de France de foot- juste près une longue et vaine lutte pour le maintien.

La direction du club doit relancer une formation littéralement anéantie : tous les joueurs pro ou presque ont quitté la région au moment où reprend l’entraînement. La trésorerie, elle, est vide et l’entraîneur de la précédente saison, traîne sur le bord du terrain comme une âme en peine : un remplaçant doit prendre les rênes de l’équipe. La saison qui va démarrer s’annonce cauchemardesque.

Partir de tout en bas, et regarder vers le haut


Et puis, tout s’enchaîne. Gilles Grimandi, le nouveau coach, s’en va. Alain Ravera, le précédent entraîneur, est appelé à la rescousse. Comme les dirigeants n’ont pu s’en séparer (une rupture de contrat coûterait au club un argent qu’il n’a pas), le revoilà à la tête de l’équipe.

L'homme un temps sur le départ accepte un défi complètement fou : relever la tête. Et même regarder vers le haut. « Nous nourrirons, dès cette saison, des ambitions, lâche Pierre Ferrazzi, figure emblématique du football valentinois et soutien du président du club, Alain Martin. Vous savez, le football tient parfois à bien peu de choses. Une somme d’infimes détails que nous devons faire en sorte de maîtriser ».

Il ne croyait pas si bien dire...

En quête de guerriers


Dès lors, Ravera et son staff vont foncer. Ils contactent une centaine de joueurs susceptibles de rejoindre leur nouveau groupe. D’entrée, le discours est clair : pas de prime versée à l’agent du joueur, la période d’essai et le déplacement sont aux frais du footballeur, l'hébergement au centre de formation est à la charge du club mais ses cadres ont négocié des tickets repas avec une cafétéria. Leur prix, cinq euros… est payable par le joueur.

Bienvenue à Valence : une ville balayée par le vent. A des années lumières du foot business.

Et ça marche ! Malgré toutes ces conditions de travail loin de la vie des autres pros, dans la défiance ou presque, Valence parvient à monter une équipe. Il y a des vieux briscards, des jeunes qui ont du mal à confirmer les espoirs qu’on a placé en eux, des gars du cru… on se croirait dans un improbable film américain.

Une impression d’autant plus juste que l’équipe gagne. Match après match, les Drômois font le plein de points. Certes, ils prennent parfois des vestes mais ne baissent pas la tête. Jamais.

Jusqu’au mois de mars et un déplacement à Sète.

Là, Ravera annonce à ses joueurs que le club, toujours en course pour la montée, n’a plus d’argent pour les payer.

Réussir, malgré les difficultés


Il reste encore deux mois de compétition et dans l’intimité d’un vestiaire héraultais, les Valentinois décident de continuer. Ensemble. L’objectif, c’est la ligue 2 (deuxième division). Pour sauver le club, pour continuer l’aventure. La rumeur veut que certains aient vécu dans un camping car pour aller au bout du rêve.

Parallèlement aux exploits de ses joueurs sur le terrain, le président Martin, de son côté, fait tourner le club sur ses propres deniers tout en cherchant un repreneur, qui ne sera intéressé que si le club parvient à remonter. Pour aller au bout du projet, Martin ira loin, très loin. Il passera quatre jours en garde à vue au moment où la situation deviendra franchement tendue. Un souvenir qui le marquera à vie.

Une conclusion dantesque, un épilogue déchirant


D’un épique déplacement à Tours au périple victorieux à Raon-L’Etape, en passant par un déplacement salé à Ajaccio, Le salaire de la sueur raconte une histoire étonnante, bouleversante.

Le journaliste Michel Roux revient en une toute petite centaine de pages sur une aventure humaine comme on en voit peu dans le monde du sport. De sa conclusion dantesque sur le terrain à son épilogue déchirant quelques semaines plus tard, ce livre rappelle paradoxalement qu’il n’y a que le sport pour vous faire vivre de pareilles choses. Pour vous faire vibrer avec autant d’intensité.

Ecrit comme un ouvrage de sport, Le salaire de la sueur (ouvrage publié en un petit nombre d’exemplaires) est transcendé par le récit qu’il livre. Il stimule l’imagination du lecteur en contant par petites touches une véritable épopée.

Clairement, ce bouquin vous prend aux tripes : c’est un petit film à lire. En attendant, peut-être, une adaptation sur un écran. Ce que cette histoire mérite amplement.

Bien à vous,
Benny

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