mardi 24 août 2010

"Castle", la comédie policière trop gentille

C'est LA nouveauté de l'été en France. Sur le hertzien comme ailleurs (ce qui prouve une fois encore la frilosité française ambiante). Castle d'Andrew Marlowe est la seule véritable innovation dans les grilles de programmes chez nous (bon, on peut rajouter Men in Trees sur France 4 si on est vraiment tatillon), et cette série me pose un vrai problème.
Ce n'est pas son pitch - qui est pourtant pour Arabesque ce que Pimp my ride est pour la kangoo de mon tonton Edmond : une jolie séance de tunning.
Ce n'est pas non plus son duo d'acteurs très attachant - Nathan Fillion s'en donne à coeur joie face à une très bonne Stana Katic.
Non, mon souci avec cette histoire de romancier qui enquête avec la police de New York pour retrouver l'inspiration, c'est que c'est un hommage minimaliste aux comédies romantico-policières des années 80 (Remington Steele et Clair de Lune en tête). Minimaliste étant un doux euphémisme pour fainéant et limité.

Un canevas classique...

Je m'explique : la série, dont les scripts rappellent en partie ceux de Life avec Damian Lewis et Sarah Shahi (et non pas Mentalist, comme se plaisent à l'affirmer bêtement de trop nombreux magazines télé), s'appuie sur 1/des crimes dont la découverte est plus ou moins surprenante et 2/un duo d'enquêteurs antinomiques. Avec Castle, le duo Beckett/Castle fonctionne à 100% sur la tension sexuelle qui existent entre ces deux personnages. Les meilleurs moments, les meilleurs répliques sont celles que se balancent plus ou moins froidement cet homme et cette femme. Comme dans toute comédie policière bien calibrée.
Mais une vraie série de ce genre, ce n'est pas que ça : ce sont des seconds rôles qui servent le récit de manière efficace et divertissante. En prenant le contrepied des héros ou en apportant quelque chose d'inattendu, de surprenant. Et c'est là que le bat blesse. Castle, c'est une série sans surprise. La vie familiale de Rick Castle est gentillette, avec une mère artiste qui refuse de raccrocher et une fille plus que modèle.
Mais elle est hyper prévisible.

 ... mais incapable de surprendre

Le duo d'enquêteurs qui travaille avec Beckett et Castle, Esposito et Ryan, est d'une fadeur absolue. On sait qu'ils sont des outils pour éviter au récit de trop pédaler dans la choucroute et... ça se voit terriblement.
C'est ce qui fait que, pour moi, Castle est une fausse bonne série. Je la regarde, j'adore - encore une fois - les échanges entre les deux personnages principaux (qui sont, heureusement, régulièrement réjouissants) mais le reste du temps, mieux vaut que je n'ai pas un magazine à proximité de mon fauteuil parce que sinon, je vais plonger dedans.
S'ils avaient été vraiment audacieux, les producteurs de ce show auraient assumé leurs influences et auraient pu jouer avec le côté très carré de l'exercice (en dynamitant le traditionnel exercice du triangle amoureux qui dure le temps d'un épisode, en jouant sur le fait que dès qu'ils coucheront ensemble, Beckett et Castle n'intéresseront personne...) mais pour l'instant, on n'en prend pas trop le chemin.
Et ça repose - encore une fois (bis) - la question de l'inspiration des créatifs US pour les networks : si Castle, c'est le vent de fraîcheur de la fin des années 2000 (on décrit la série comme un joli hit outre-Atlantique), on se dit que HBO, AMC, FX et même Showtime ont une confortable marge de manoeuvre. Moi je n'ai qu'un mot : dommage.

Bien à vous,
Benny

5 commentaires:

Arnaud J. Fleischman a dit…

Je ne serais pas aussi sévère que toi. Certes Castle n'est pas un chef d'oeuvre, loin de là, mais ce n'est pas une mauvaise série. Pas originale, d'accord. Reprenant des thèmes et des situations déjà vues par ailleurs, ok. Prévisible, bien sûr. Mais les deux personnages principaux sont attachant, les dialogues sont vifs et souvent drôles.
Dans le paysages des séries des network c'est plutôt une bonne production, limité, dont le potentiel de sympathie s'épuisera vite, mais tout à fait regardable.
Toutes les séries ne peuvent pas être du calibre de Th Wire, Deadwood, Mad Men ou Breaking Bad.

Benny a dit…

@ Arnaud :

Mais je pense comme toi. Et quand je dis que c'est une fausse bonne série, c'est plus pour remettre en cause le consensus mou de la critique autour de cette série en disant que c'est le pendant de Mentalist (Ce qui me semble une ânerie parce que le duo Castle/Beckett est bien plus sympa que la paire Jane/Lisbon).

Et je suis d'accord qu'il ne faut pas que des Deadwood, The Wire et autres Mad Men à la télé : tu parles à un gars qui adore My Name is Earl et ne rate pas un épisode de Chuck. Et je regarde aussi Castle parce que c'est sympa.

Mais Castle, ça pourrait être tout aussi ludique, tout aussi léger, et ne pas compter des longueurs dans ses scripts. En un mot : ça pourrait être un tout petit peu plus ambitieux sans pour autant être de la chair à Emmys.

Moi, en fait, je rêve d'une comédie policière qui serait un hommage respectueux et irrévérencieux comme peut l'être "Shaun of the Dead" au ciné pour le film de zombies.

r lefourbe a dit…

>Moi, en fait, je rêve d'une comédie policière qui serait un hommage respectueux et irrévérencieux comme peut l'être "Shaun of the Dead" au ciné pour le film de zombies.

Euh Police Squad ?
(c'est nul je sais)

Arnaud J. Fleischman a dit…

@ r le fourbe: Police Squad est un bon exemple de parodie des séries policières des années 70, celle de Quinn Martin, comme Les Rues de San-Francisco. C'est une comédie sur les séries policières et pas une comédies policières.
@ Benny: Clair de Lune est le modèle de l'hommage irrévérencieux aux comédies des années 50, une mise en abîme du genre, un dynamitage des codes de la télé, et une excellente série par ailleurs qui, 30 ans après, reste moderne. Malheureusement c'est presque une série indépassable tellement elle est allée loin. Toutes les comédies policières qui ont suivies ont été jugé par rapport à CdL, c'est sans doute aussi une part du problème. Et beaucoup oublient que la série s'est dans les dernières saisons fourvoyée, notamment en concrétisant la relation entre David et Maddie. Si l'on doit comparer, Castle, avec tout les défauts qu'elle a, est au dessus de la dernière saison de CdL.

Benny a dit…

@ r le fourbe :

nan, nan : je valide. Y avait Nash Bridges aussi. Avec deux bouteilles de téquila et de vodka dans le sang. Et sous-titré en espagnol. Ca doit être possible de penser ça après. Y en a qu'on essayé. Paraît qu'ils écrivaient pour Heroes après.

@ Arnaud J. Fleischman :

Bon argument. Mais si je trouve que Clair de Lune, c'est effectivement l'OVNI (la loufoquerie dépasse même la série policière : dans le fond - les scripts - et dans la forme - la façon de filmer, quitte à ne pas finir une histoire), il y a une petite place entre le délire à la Glenn Gordon Caron (qui, rappelons-le, n'a pas produit la dernière saison: ABC l'avait viré) et la comédie "classique" à la Castle. Pas besoin pour ça de vouloir dépasser un modèle largement au dessus (on est d'accord).

Bon je vous laisse : il y a un vrai débat sur ce blog. Ce doit être le 2e en trois ans. Je vais donc pleurer de joie dans mes toilettes en repensant à cet instant béni.

(Tremble, Pierre Cerisier : ça devient the place to be, ici ! :p)