jeudi 3 avril 2008

Producteurs TV : bon sang, mais où sont passés les tauliers ? (partie 2 : un contexte compliqué, des déceptions en série)

On le voit chaque année, lancer une nouvelle série à succès sur un network, c’est tout sauf une opération scientifique. Il faut un concept accrocheur, une bonne case horaire et… une sacrée dose de chance pour avoir le temps de convaincre. Dans un documentaire que j’ai vu il y a quelques années sur Homicide, un critique américain expliquait qu’aujourd’hui, une série devait fonctionner sur le public comme une dose de crack : l’effet doit être immédiat.

Manque de temps,
manque de chance

Wolf, Fontana, Bochco et Kelley acceptent de jouer le jeu. Ils proposent des séries « solides » artistiquement, mais ils ont clairement du mal à imposer de nouveaux concepts. De nouveaux points de vue susceptibles de décrocher une adhésion quasi immédiate. Parfois, c’est par manque de temps et de chance (The Jury, de Tom Fontana ; Over There, de Bochco, L & O : Trial by Jury de Dick Wolf) alors que ces éléments sont là. Parfois, c’est aussi par manque d’originalité de points de vue ou de personnages (Conviction, de Dick Wolf ; Presidio Meds, de John Wells)
C’est dur, mais c’est une réalité avec laquelle ils doivent composer sans cesse. Avec laquelle ils se battent sans cesse serait même une phrase plus juste.

Des auteurs en panne ?

Cinq séries, un point commun. Savez-vous ce qui lie LA Law, NYPD Blue, Law & Order : Criminal Intent, The West Wing et Third Watch ? Dans chaque cas, un grand producteur s’est allié à un scénariste qui portait littéralement l’univers de la série. Ce dernier s’inscrivait dans une vraie démarche d’auteur, portant les codes de sa série d’un bout à l’autre, veillant autant que possible à sa cohérence (sauf Milch, qui s’est un peu perdu dans la saison 7 de NYPD Blue)… et cela, tant qu’il s’occupe du show. Sur LA Law et NYPD Blue, Bochco travaille avec David E. Kelley et David Milch. Pour Criminal Intent, Wolf laisse les commandes à René Balcer. John Wells, lui, laisse les mains libres à Aaron Sorkin et Edward Allen Bernero sur The West Wing et Third Watch. Et dans tous les cas, ça fonctionne.

La déception Jack Orman...

Et aujourd’hui ? Aujourd’hui, la phrase fera peut être grincer des dents, mais la relève n’est pas toujours à la hauteur. L’exemple le plus évident en la matière, c’est Jack Orman. Showrunner d’Urgences pour les saisons 7, 8 et 9, il est celui grâce à qui la série garde à l’époque une progression narrative cohérente tout en parsemant les saisons d’épisodes spéciaux qui valent le détour. Il s’en va même en signant le bluffant « Quand la nuit rencontre le jour », une histoire d’éclipse qu’il réalise. Et après ? Après, Orman s’est fourvoyé dans Dr Vegas avec Rob Lowe et depuis… plus rien. Un vrai gâchis.

Il en va de même pour William M. Finkelstein qui peine à prendre définitivement son envol (son passage comme showrunner sur Law & Order fut... météorique) alors qu’il a toutes les qualités d’un auteur. Lydia Woodward, R. Scott Gemmill et Carol Flint (Urgences) ne confirment pas les espoirs qu’ils ont suscités, pas plus que Michael S. Chernuchin (Law & Order). Dawn Prestwich et Nicole Yorkin (Picket Fences, Chicago Hope), après une traversée du désert, sont de nouveau sur le devant de la scène avec The Riches mais elles ne parviennent pas à totalement convaincre.

L'avenir en pointillés

Pire : une série de scénaristes auxquels on pouvait prédire un bel avenir solo (Dawn De Noon et Lisa Marie Petersen de L& O : SVU ; Richard Sweren de L&O par exemple) ne « décollent » pas. D’une façon identique, au début des années 2000, James Yoshimiura, un des meilleurs copains de jeu de Fontana, devait lancer une série sur la mafia avec Martin Scorcese. Le projet restera lui aussi lettre morte. Et ce n’est pas l’évolution de David Zabel (qui est en train d’enterrer Urgences sans génie alors qu’il avait signé de bons scripts lorsqu’il était sous la coupe de Jack Orman) qui va me rassurer.
Vous n’allez tout de même pas me faire croire que l’avenir des networks, c’est Rod Lurie (Line of fire, Commander in chief) quand même ?

La suite (et la fin) la prochaine fois.

Bien à vous,
Benny

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