mercredi 3 mars 2010

"Into the wild" : l'odyssée trouble d'Alexander Supertramp

C'est l'histoire d'un môme. Epris de grands espaces et d'aventure, Christopher McClandess a un jour décidé de tout plaquer. Ses parents, sa soeur, son avenir qui s'annonce doré, ses économies qu'il avait longuement constituées. Tout ça pour prendre la route, et surtout se confronter à la nature. Son eldorado est blanc, froid, impitoyable : c'est l'Alaska.
Sur sa route, endossant l'identité d'Alexander Supertramp, il va croiser toutes sortes de personnes : un couple de hippies hanté par le passé, un agriculteur plutôt fantasque, une ado qui tombe sous son charme, un vieil homme qui aurait pu fonder une famille... plusieurs d'entre eux le questionneront sur son propre passé mais ce n'est qu'au bout du chemin qu'il comprendra qui il est.

Un film à part
Franchement, au moment d'écrire cette chronique (la centième référencée dans la catégorie critique !), j'étais plutôt emmerdé. Parce que ce film a suscité chez moi des impressions vraiment très paradoxales. En premier lieu parce qu'au départ, son héros, je l'ai un peu pris à rebrousse-poil.
Dans son script, Sean Penn se plaît effectivement à mêler dès le départ des éléments qui nourrissent des sentiments opposés. L'inquiétude d'une famille, l'exaltation du voyage à travers des contrées sauvages, les confidences partielles et partiales d'un garçon sur ses parents qui ne laissent pas complètement voir ce que sont les liens qui lient sa famille... les données s'enchaînent, et font souvent naître des émotions contradictoires.
Quand McClandess devient Supertramp, il réalise le fantasme d'un certain nombre de personnes : il assouvit un désir égoïste, celui de changer d'identité pour construire librement son existence et vivre plus intensément. Tout cela, il le fait avec jusqu'au-boutisme, de manière paroxystique. Au point d'en devenir agaçant, pour ne pas dire peu enclin à l'écoute et même... prétentieux.

Noir ou blanc, face au monde vert
La particularité de ce film cependant, c'est de montrer que son héros ne fait pas forcément cela de manière consciente. Aussi féru de livres et de connaissances soit-il, il fonctionne beaucoup à l'instinct.
Un peu comme une bête blessée peut-être, qui juge parfois les autres sans pitié : c'est en tout cas ce que laisse à penser l'évocation progressive de son enfance, laquelle ressemble un peu à un champ de bataille pour deux adultes qu'à autre chose.
En fait, dans sa quête d'ailleurs, Supertramp a une vision assez binaire des choses. C'est ce qui lui permet d'avancer encore et toujours vers son objectif (il ne lâche jamais son but : son opiniâtreté fait sa force) mais le place forcément hors du monde. Il laisse derrière lui des gens qui peuvent l'aider à faire face à la complexité des relations humaines et de ses propres émotions. A commencer par ses propres parents. Ces derniers, confrontés à l'angoisse de l'absence, vont effectivement faire un tout autre chemin, bousculant l'image que l'on a d'eux... sans que le principal intéressé n'en ait conscience. Et quand on se met à l'écart, on se retrouve toujours face à l'hostilité de la nature. Impitoyable.



Au bout du compte, on peut dire d'Into the Wild que c'est un film esthétiquement irréprochable : les paysages filmés sont d'une beauté incroyable, la réalisation est magnifique (je crois que la dernière scène avec William Hurt, le père du héros, me hante encore...). On peut aussi dire que c'est un long-métrage porté par la musique d'Eddie Vedder, entêtante et émouvante (ce type joue avec ses cordes comme il joue avec vos tripes) et ce sont tous ces éléments qui concourent à en faire une oeuvre forte.
Mais c'est aussi et surtout un film sur la jeunesse. Dans ce qu'elle a de plus radicale, de plus enthousiasmant comme de plus immature. Et c'est peut-être ce qui explique la singularité des impressions qu'il laisse quand défile le générique de fin.

Bien à vous,
Benny

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