lundi 8 mars 2010

Le DVD de mars : "Redacted"

Samarra, Irak. Une compagnie de GIs a pour mission de garder un barrage à l'entrée de la ville. Objectif : contrôler les allers et venues, rassurer les populations par leur présence, limiter le nombre d'attentats terroristes. Tout cela dans la défiance générale, alors que leur état-major ne cesse de repousser le moment où l'équipe en place sera relevée et qu'ils peuvent être pris pour cible à tout moment. Pour ces jeunes Américains issus de multiples horizons, le temps est long. Très long et les nerfs sont mis à rude épreuve.
Jusqu'à ce qu'un de leurs chefs ne meure dans un attentat. Jusqu'à ce que les éléments les plus incontrôlables de la troupe partent une nuit en ville (une nuit en vrille, ça marche aussi) pour mener une épouvantable expédition vengeresse...

Quand les images combattent...
Histoire fictive inspirée de faits réels, Redacted est unanimement décrit par les observateurs comme un film expérimental de Brian De Palma. Datant de 2007, porté par un casting d'acteurs méconnus, il tient sa particularité dans le fait qu'il s'agit d'un long-métrage qui s'intéresse à deux guerres : celle qui se déroule sur le terrain et celle que l'on déverse sur les écrans. Film amateur de soldat, reportage de la télé saoudienne, vidéos terroristes sur le net, chats sur le web, caméras de surveillance, documentaire tourné par deux Français... tous les moyens modernes qui offrent un point de vue sur la guerre sont au service de cette histoire, pour multiplier les points de vue et rendre compte d'un terrible drame.

"La guerre c'est mal", par Brian De P.
L'idée est bonne : l'histoire est forte et le parti pris narratif a de quoi rendre la complexité de la situation. C'est en tout cas ce que l'on serait tenter de penser. Le problème, l'ENORME problème, c'est que De Palma, cinéaste qui a brillamment mis en scène la thématique du point de vue dans des films comme Body Double ou Snake eyes, se plante cette fois dans les grandes largeurs.
Tout simplement parce qu'il est incapable de trouver la bonne articulation entre le fond et la forme. Et qu'il est surtout incapable de laisser vivre son histoire, de laisser mûrir l'émotion. La multiplicité des points de vue "techniques" (images du web, film amateur, reportage) fait finalement plus office de collage/barrage qu'autre chose.

L'avis de Brian
Trop obnubilé par sa volonté de poursuivre le réel, de lui coller au train comme une voiture de flics filerait un suspect, il en oublie un axe cruciale du film de fiction : il doit émouvoir le spectateur. Or là, ça ne marche pas. La faute à un script insuffisamment fouillé sans doute... mais aussi et surtout à un réalisateur arc-bouté sur sa volonté de dénoncer la situation américaine en Irak. A plusieurs reprises, on voit arriver De Palma à des kilomètres avec ses grosses rangers pour dénoncer les exactions de l'armée US. Et comme il le fait de manière parfois carrément balourde (les extraits du documentaire français sont ratés, pour ne pas dire consternants), la pilule ne passe pas.



C'est dur d'écrire ça quand on aime vraiment le cinéma de De Palma, mais c'est ce que j'ai ressenti devant ce film. Et ce n'est pas le documentaire De Palma Reloaded consacré à la sortie du film et à la volée de bois vert qu'il a ramassé aux USA qui a arrangé les choses. Confronté à une réaction épidermique de l'opinion (qui a pris pour argent comptant le propos de cette fiction, argh), le réalisateur s'est enfermé dans un discours le confortant dans la position assez stérile de l'artiste incompris (qui rappelle parfois celle de l'ado fatiguant, faut bien le dire). Il faut dire, à la décharge de l'intéressé, que Redacted a été primé en Europe, ce qui ne peut que le conforter dans cette idée sans doute.
Il n'empêche : l'essai est loin d'être transformé. Très loin.

Bien à vous,
Benny

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