mercredi 10 août 2011

"Justified" (saison 1): Les doubles de Harlan County

En abattant de sang-froid (et au bord d'une piscine) le truand Tommy Bucks sous le chaud soleil de Miami, le marshall adjoint Raylan Givens cherchait-il inconsciemment à retourner chez lui, dans le Kentucky? Au moment où son chef, soucieux d'éviter les ennuis, l'oblige à quitter la Floride, l'intéressé s'en défend. L'agent fédéral, qui soutient que le tir était justifié, dit qu'il ne veut pas retourner là-bas, qu'il n'a plus rien à y faire.

Un peu d'histoires à Harlan...

A Harlan, il n'y a en effet que son passé qui l'attend. Son ex-femme, Wynona, désormais remariée; Art Mullen, qui dirige le bureau du marshall et avec qui il a déjà bossé; sans oublier sa famille avec laquelle il est en froid. Et puis il y a les Crowder, une famille que Givens connaît très bien et qui trafique à tout va. Du père qui est en prison, aux fils Bowman et Boyd.

Ce sont justement les rejetons Crowder qui vont vite poser des problèmes à Raylan dès son retour. D'abord parce que Boyd, à la tête d'un groupe néo-nazi, joue un peu trop du lance-roquette dans les rues. Ensuite parce que Bowman est allé trop loin et que sa femme l'a abattu avec un fusil. Pour protéger Ava, Givens va devoir faire face à Boyd. Et si la confrontation tourne d'abord à l'avantage du marshall (Crowder, touché d'une balle qui ne passe pas loin de son cœur, s'en sort de justesse), tout ne fait que commencer pour ces deux hommes...


Yost is back

Justified marque le grand retour de Graham Yost à la tête d'une série. Le scénariste de Band of Brothers, The Pacific et From the Earth to the Moon, par ailleurs créateur du très bon Boomtown, fait parti de ces showrunners de talent dont la télé US n'a pas toujours su profiter intelligemment. Ici, il s'attaque à l'adaptation d'un roman d'Elmore Leonard et réutilise surtout son personnage principal, Raylan Givens.

Stetson sur la tête, gachette facile, attitude ombrageuse: Givens est l'archétype du cowboy balancé dans une Amérique moderne. Enfin, moderne... disons que l'on retrouve à Harlan l'Amérique du trafic de drogue car le Kentucky n'est pas vraiment l'état le plus moderne qui soit, que l'on parle des infrastructures ou des moeurs de la population.

Le cowboy est comme Tony Soprano

Dans Justified, toute l'intelligence de Yost, c'est d'appliquer à la figure iconique du cowboy le traitement que David Chase a réservé à celle du mafieux dans The Soprano et que Matthew Weiner a fait subir à celle du business man des années 60 dans Mad Men. En clair, il le confronte à ses doutes, ses dilemmes moraux et ses hésitations dans un récit plus "nerveux", propice à l'action. Surtout, en confrontant Givens à un père particulièrement manipulateur, il l'humanise sans jamais le détacher complètement de l'image que l'on a de ces héros. Et c'est précisément ce qui fait de Justified une série résolument moderne. Et très efficace.

Après quelques épisodes unitaires qui posent l'action tout en définissant les personnages, le récit de Justified prend en effet tout son volume avec un arc d'épisodes qui fait se rapprocher les trajectoires de Givens et Crowder. Incarcéré puis libéré, Boyd soutient en effet qu'il a changé. Il a eu une révélation et compte se racheter de ses péchés en fondant une communauté dont il serait le guide.

 Goggins en grande forme, Olyphant aussi... Enfin!

Naturellement, tout le monde doute en l'écoutant parler. Et le récit joue très adroitement dans le caractère trouble de Boyd pour tenir en haleine le spectateur: est-il un imposteur, un faux précheur dont on disait il n'y a pas si longtemps qu'il était néo-nazi par opportunisme? Ou cherche-t-il vraiment à changer de vie, quitte pour cela à utiliser des méthodes expéditives? Tout l'attrait de cette storyline tient en la capacité des scénaristes à pervertir le procédé narratif hyper connu de la rédemption... Ce qui marche vraiment bien.

Cerise sur le gâteau, Justified bénéficie d'un excellent casting avec, en premier lieu, un Walton Goggins très convaincant (pour ne pas dire bluffant) dans son interprétation de Boyd Crowder. Le jeu de celui qui était Shane Vendrell dans The Shield s'appuie sur une subtilité essentielle pour que l'on y croit. Dans le rôle de son double torturé par une colère contenue, Timothy Olyphant, qui incarne Givens, prouve enfin qu'il n'est pas qu'une belle gueule. Loin du jeu très rigide qu'il déployait dans Deadwood, à des années-lumière de son rôle inutile (et agaçant) dans Damages, il fait valoir tout son talent et tient une place prépondérante dans la qualité de cette saison 1. Saison qui bénéficie de lignes de dialogue souvent excellentes.



Paroles et musique

Aussi, plutôt que d'aligner sottement les superlatifs, vais-je conclure sur quelques citations. Non sans préciser que c'est une série à voir impérativement. Que l'on aime ou non le thème musical du show, une sorte de country rap que l'on doit à GangstaGrass (et l'auteur de ce billet, lui, a kiffé...)

"On ne choisit pas de qui on tombe amoureux. On décide juste jusqu'où on peut aller"

"- Messieurs, vous pourriez faire moins de bruit?(à deux hommes enchaînant bruyamment les pires réflexions machistes)
- Ah oui ? Et pourquoi ça?
- Parce que j'ai pas commandé de trous du cul avec mon whisky"

En un mot: incontournable.

Bien à vous,
Benny

3 commentaires:

AF a dit…

J'ai mis du temps, la saison un est restée longtemps dans mon disque dur, mais depuis que j'ai commencé il y a peu, je ne regrette pas. C'est une des bonne surprise de mon rattrapage estival.

Benny a dit…

@ AJF

J'ai aussi mis du temps et c'est aussi pour moi une des très agréables surprises de la saison. On est donc tout à fait d'accord :-)

Stéph a dit…

On peut dire que tu as su me donner envie de découvrir cette série. Je vais donc tâcher de trouver la saison 1 sur la toile (comme si je n'avais pas des dizaines d'autres choses à voir déjà !!).