mardi 15 avril 2008

Le livre d'avril : "Hard Revolution" (George P. Pelecanos)

Cela faisait longtemps que ça ne m'était pas arrivé et pourtant, ce week-end, j'ai pu me plonger dans un polar. Mieux : je l'ai lu (presque) d'une traite. L'objet du délit ? Un roman datant de 2005 et signé par un Américain qui a aussi écrit des scripts pour The Wire (chassez le naturel...).

Life is a pitch (and then you die)

Hard Revolution se déroule à la fin des années 50 puis dix ans plus tard à Washington. Le lecteur suit le parcours de deux frères noirs Derek (un jeune flic) et Dennis Strange (un paumé) alors que la situation des noirs, encore sous-considérés, tarde à évoluer, dans la capitale fédérale comme dans tout le pays. Tout au long du roman, Pelecanos retrace méticuleusement le chemin qui a conduit aux émeutes au lendemain de l'assassinat de Martin Luther King.
Tout en contant deux enquêtes, l'auteur joue très habilement sur ce qui sépare noirs et blancs dans son histoire et dans cette ville. Le récit se compose effectivement de deux histoires parallèles, un peu comme si le romancier traçait un axe de chaque côté duquel des éléments sont en parfaite symétrie.

Tragiques symétries

Dans cette Amérique des grosses voitures et des groupes de rythm'n blues (c'est par ce biais que l'auteur nous convie à redécouvrir la ville), il y a deux clans.
Du côté des blancs, on a des gars paumés, incapables de faire quoi que ce soit de leur vie et qui éprouvent une haine profonde pour les noirs. Du côté des blacks, on a des mecs défoncés pas mieux insérés dans la société, qui rêvent d'argent facile et de revanche.
Et de chaque côté, on a des hommes qui paraissent piégés par un effet de groupe. C'est parce qu'il est avec Alvin Jones et Kenneth Willis que Dennis Strange, revenu brisé physiquement de l'armée, ne parvient pas à se fabriquer une autre vie. De la même façon, c'est parce qu'il traîne avec Walter Hess et Buzz Stewart que Dominic Martini, profondément marqué par le Vietnam, se dirige vers une impasse.
Jones/Hess, Dennis Strange/Martini : l'effet de miroir joue à plein et il est saisissant...

Une chronique sociale avant d'être un polar

Véritable chronique sociale, Hard Revolution réussit à rendre toute la complexité de la situation qui a conduit à une énième émeute en Amérique. Enchaînant anecdotes et réflexions par le biais de ses personnages, Pelecanos permet au lecteur de comprendre comment un homme qui n'a jamais cédé aux appels à la destruction, peut se retrouver emporté par la fougue (et par la foule) dans un déchainement de violence.
Un tour de force puissamment orchestré qui se fait cependant un peu au détriment de l'enquête policière, assez conventionnelle. La preuve, c'est que ce n'est pas vraiment Derek Strange qui retient le plus l'attention du lecteur. Il n'est pas négligé, lui, le bleu rejeté par les deux communautés. Mais le traitement de son personnage reste assez basique. La vie est dure pour les héros...
Dommage : au final, alors que l'on s'attendait à une conclusion puissante, l'auteur cède finalement au... passage en force. Il termine en effet son livre avec une espèce de boucle narrative qui laisse le lecteur un peu sur sa faim.
Ce qui n'enlève rien au fait que Hard Revolution est un bon polar. Ce n'est déjà pas mal du tout.

Bien à vous,
Benny

3 commentaires:

feyrtys a dit…

Bon et bien il va falloir que je l'achète ce livre !

Benny a dit…

Salut, la demoiselle de la perfide Albion. Comment vont les chats ?
Dis donc, ça barde dans ton autre chez toi, avec ces histoires de Cylon... En tout cas, continuez comme ça : comme je n'ai absolument aucune personnalité, je reste un de vos plus grands fans et c'est un pur bonheur de vous lire.

PS : méfiez vous quand même, Tigrou c'est peut-être un cylon... ou un génie du mal, c'est selon. En tout cas, moi, il me fait rire ;-)

feyrtys a dit…

Tigrou est probablement un génie du mal, quand j'y pense. Mais comme toi, il me fait rire ! Je ne peux pas résister à ses textes.

Merci de continuer à nous lire en tout cas ;).