jeudi 30 décembre 2010

Quatre coups avant minuit/"Six Feet Under" (saison 3) : Les Fisher sur le fil de la vie

Quand je pense "série télé", il y a une question qui revient régulièrement dans ma réflexion: Quand est-ce qu'une "bonne série" devient une "grande série"? Je me souviens avoir supposé, en regardant la première saison d'Ugly Betty - qui reste une vraie réussite, quoi que l'on puisse penser de la suite de la série de Silvio Horta - que c'est peut-être quand des personnages solidement installés entrent en interaction active. C'est en tout cas ce qui se passe quand Rebecca Romijn arrive sur le devant de la scène.
Mais on peut aussi se le dire quand un show prend un tournant inattendu, et réoriente audacieusement son récit sans trahir la cohérence de ses héros : Phase 2 de Alias est à ce titre un modèle du genre.
Pourquoi je vous raconte tout ça ? Parce que pour moi, c'est avec sa saison 3 que Six Feet Under devient une grande série.

"Connais-toi toi-même" : la série
Pourtant, fondamentalement, le show d'Alan Ball ne connaît pas, à ce moment-là dans son récit, d'incroyable retournement de situation. Et il n'est pas non plus porté par une dynamique collective jusque-là inédite. C'est même le contraire : la narration garde le cap. Les Fisher restent des personnages qui nous ressemblent dans leurs doutes comme dans leur excès (dans le concept en tout cas : tout le monde ne cède pas aux sirènes du triolisme débridé...) mais il faut pour cela les connaître et les comprendre.
C'est peut-être ça, en fait : il y a sans doute une part de subjectivité forte quand on considère qu'une "bonne série" devient "grande". C'est en tout cas le cas ici, pour moi.

Confrontés à la brieveté de la vie depuis deux saisons déjà, les personnages de Six Feet Under s'affirment dans la troisième année comme ceux d'une série de l'apprentissage. L'apprentissage de ce que l'on est, de ce que l'on veut face au temps qui passe. Tous les protagonistes de la série, sans exception, sont cette fois confrontés avec force à cette vérité.
Celui qui en fait la découverte la plus aride (pour ne pas dire la plus violente), c'est encore une fois Nate. Il est désormais mari et père mais n'en demeure pas moins tiraillé par des aspirations contradictoires. Comme il l'est sans doute depuis le début du show. Mais cette année, cette vérité est déclinée de façon sensiblement plus profonde. Pourquoi ? Parce que l'on a appris à le connaître. Et à connaître le dilemme qui l'habite : d'un côté, un réel désir de construire; de l'autre, l'envie de vivre une passion incertaine avec une femme qu'il aime toujours. Quitte à se brûler les ailes...

La famille funambule
Les autres personnages ne sont pas en reste : Ruth franchit de nouvelles étapes du deuil, loin du déni ou de l'acceptation. Ici, il est question de solitude, du doute à retrouver un homme avec qui partager une intimité. Comme le reste de sa famille, elle ne fait jamais semblant et on a parfois l'impression qu'elle s'y prend n'importe comment. Mais elle est toujours en mouvement.
 Il est en est de même pour David, qui s'interroge plus que jamais sur la place qu'il occupe dans son couple avec Keith. Ce qui est aussi le cas de Rico, alors que sa situation est différente. Et il est en également de même pour Claire, toujours aussi juste et émouvante alors qu'elle devient un peu plus une femme à chaque épisode. Jusqu'à la fin de cette saison où cette affirmation est douloureuse et éprouvante.
Plus que jamais, les Fisher sont donc des funambules sur le fil de l'existence. A mesure que le temps passe, leurs interrogations trouvent un écho plus fort, plus intime, chez le télespectateur. Et c'est pour ça que l'on est face à une grande série...

Bien à vous,
Benny

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