vendredi 20 avril 2012

David Shore, David Simon et Shawn Ryan : trois regards sur le showrunning

Cette semaine, au Forum des images, les mordus de séries font le plein d'épisodes, de rencontres et de projections à l'occasion du troisième festival Séries Mania. C'est aussi le moment idéal pour en savoir plus sur plusieurs têtes pensantes de la télé américaine des années 2000.

Mardi, quelques heures avant la venue de Terence Winter pour parler de Boardwalk Empire, la projection de trois épisodes de la série documentaire française Showrunners était proposée au public. Devant la caméra, on retrouvait David Shore (qui parlait exclusivement de House), Davd Simon (qui concentrait ses propos sur The Wire et Treme) et Shawn Ryan (qui est revenu sur l'aventure The Shield).

Une myriade de détails à gérer

Trois auteurs, trois univers, trois sensibilités différentes. Pendant près de 90 minutes, au fil des épisodes, les documentaristes Virginia Vosgimorukian et Anthony Dubé tricotent adroitement leur projet filmé. Au gré des entretiens, on   voit ce qui lient les uns (les mailles à l'endroit) et ceux qui les différencient (les mailles à l'envers).

C'est souvent dense, c'est très enrichissant et ça vaut vraiment le coup.

Principalement parce que, ce qui ressort avec force, c'est que ce qui fait la force d'une histoire, ce qui fait sa vérité (et donc le succès d'une série), repose sur un ensemble d'éléments, une somme de détails appréhendés de façon différente selon les auteurs.

David Shore, qui se concentre beaucoup sur les forces de House dans l'entretien (il aurait été amusant de voir comment il analyse la façon dont il a voulu briser la routine d'une série très rigide dans son format. Le sujet porte en effet à discussion), a eu une jolie formule par exemple. "Il y a deux choses importantes pour réussir une série. Numéro un : l'histoire. Numéro 2 : rien n'est plus important que le numéro 1". 


David Shore : Un peu d'histoire 
dans les histoires

Pour atteindre cet objectif, Shore fait le travail "classique" du showrunner tel qu'on l'imagine, avec une relecture méthodique, "jusqu'au boutiste" de chaque script. Si son avis est évidemment prééminent, l'épisode qui lui est consacré permet de découvrir sa méthode de travail, qui tend à associer le plus possible ses collaborateurs.

Un dispositif de double écran est effectivement installé dans son bureau : un du côté de celui qui a le clavier, un du côté de celui qui vient échanger. L'idée est alors d'associer au maximum auteur et showrunner... sans pour autant que cela vire à la négociation des accords de Grenelle.

L'intérêt de ces trois épisodes, c'est aussi de voir comment chacun prend à pleines mains la question de la psychologie des personnages.


Shore insiste sur la notion de background psychologique, sur le parcours du héros qui doit colorer chaque acte, chaque parole et chaque pensée.


Chacun s'approprie la question de l'émotion

En cela, il rejoint Shawn Ryan, qui explique avoir pris de Joss Whedon (et avoir appris sur la première saison d'Angel) l'importance du cheminement émotionnel de chaque personnage à travers un épisode. Lequel doit aller d'un point A à un point B en traversant divers états pour emmener le spectateur dans son histoire. Une logique que l'on retrouve dans vraiment beaucoup d'épisodes de The Shield.

David Simon, lui, rappelle une fois encore la spécificité de son parcours, qui l'a conduit du journalisme à la fiction. Dans sa méthode de travail, dans sa manière d'appréhender les choses, il y a une volonté de s'appuyer sur les faits, sur les détails vrais pour porter la force du récit.

Le raccourci un peu rapide, pour ceux qui songent à se lancer dans l'écriture d'une fiction, serait de se dire qu'au final, il suffit de blinder son récit d'éléments tirés du réel pour embarquer le téléspectateur. Mais quand on écoute Simon, on constate que l'enjeu n'est pas là.

Formidable fact checker, Simon est aussi et surtout un conteur hors pair, comme on peut s'en rendre compte dans The Corner, le roman qu'il a co-écrit avec Ed Burns. C'est ce qui fait que ses séries restent des fictions uniques.

Maîtriser... et (aussi) accepter 
la fragilité des choses

Cela ressort un peu dans l'épisode que lui consacre Showrunners mais sans doute pas assez. Il aurait sans doute fallu mettre en balance l'aspect "homme de récit journalistique et de fiction" avec la bluffante connaissance que le bonhomme a de la notion d'enjeux dramatiques.

Cela n'enlève rien au plaisir évident que l'on prend à les écouter. Aussi brillants soient-ils, tous les trois savent aussi que tout reste extrêmement fragile. A l'image d'un Shawn Ryan qui s'interroge, non sans une certaine circonspection, sur la chance qu'il aura ou pas de connaître une aventure de production aussi forte que fut celle de The Shield.

Ce vendredi au Forum des images, trois nouveaux épisodes de Showrunners seront projetés. Ils seront consacrés à Carlton Cuse (Lost), Terence Winter (Boardwalk Empire) et Ronald D. Moore (Battlestar Galactica).

Pour en savoir encore plus, vous pouvez également cliquer là : une interview d'une des documentaristes est à lire sur le blog Têtes de Séries.

Bien à vous,
Benny

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