mercredi 7 mars 2012

Et si la meilleure série de M6, c'était "Top Chef" ?

Il en va avec un blog comme en amour, en fait : il faut savoir étonner, surprendre de temps à autre sinon on ne se regarde plus.

Voilà pourquoi aujourd'hui, on va parler télé française et même téléréalité. Ce n'est pas la première fois que ça arrive de ce côté du web, mais cette fois-ci, c'est un paquet de bougies qui m'a donné envie de prendre le clavier.

Un anniversaire, des boulettes pour le gâteau

Comme vous le savez sans doute, M6 célèbre son 25e anniversaire ce mois-ci. L'occasion pour la direction de la chaîne de revenir sur ses plus beaux faits d'armes, pour le meilleur (la diffusion en prime time de séries comme The X Files ou Ally McBeal à une époque où ce n'était pas franchement une évidence) et le moins meilleur (Loft Story, qui a ouvert la voie à la Real TV française en général, et à celle qui se regarde le nombril en particulier).

Qui dit bilan dit aussi perspectives, forcément. Et quand Nicolas de Tavernost, le numéro de la chaîne prend la parole dans Les Echos pour sortir de bonnes grosses énormités, ça a un peu de mal à passer. Je vous le dis tout de suite : je ne me moquerai pas des plus mémorables morceaux de cet entretien - et notamment le monumental "La fiction française, nous avons mis plus de dix ans à l'installer". Manuel Raynaud (Spin-Off.fr, sur LePlus) et Dominique Montay (Le Village) l'ont effectivement fait avant moi, et ils l'ont fait avec l'efficacité de Tom Cruise dans la scène du night club dans Collateral.

L'impression de "déjà raconté", sous une autre forme

Non en fait, je m'interroge sur un mouvement de fond : à une époque où on a le choix entre des fictions américaines archiprésentes dans les grilles de programmation (1) et des fictions françaises qui tendent vers le mieux mais souffrent encore de ne pas avoir vraiment trouvé leur voix (2), je me demande si la capacité française à raconter des histoires accrocheuses n'a pas été happée par une partie de la téléréalité.

Et quand je dis ça, je pense à deux cas : Top Chef et Koh Lanta.

Je ne vais pas m'étendre sur le rouleau-compresseur à audiences de TF1 ce coup-ci, parce qu'il fonctionne comme le rendez-vous du lundi soir proposé par l'ex "Petite chaîne qui monte". Et je vais en venir directement à ma démonstration.

Quand "sublimer le veau" devient tout une histoire...

Une fiction qui marche, c'est quoi ? Ce sont des personnages bien dessinés, des archétypes dont le dilemme (ou la quête, en tout cas la personnalité) est exposé de façon efficace et qui essaient de se réaliser à travers une quête.
La qualité de l'histoire tient alors le plus souvent en deux points : la capacité à créer des interactions dynamiques entre les différents protagonistes et la capacité à poser des obstacles sur leur chemin, pour créer des rebondissements, pour les faire évoluer.

Top Chef, c'est quoi ? Ce sont des personnes, des candidats qui, au gré de la présentation, du montage, de la narration donnent une image, une représentation d'eux-mêmes. Tous poursuivent le même but : devenir le meilleur jeune cuisinier de l'émission.
Avec les candidats les plus emblématiques (pour la saison 3, c'est définitivement Norbert, le Drômois à rouflaquettes), les événements mais aussi la narration, tendent à les faire évoluer au gré des épreuves. Il faut dire que les rebondissements sont nombreux, et que les rapprochements/oppositions se multiplient au gré de ces mêmes épreuves.

Et bon sang, là je vous avoue volontiers un truc : sur moi, ça marche bien.

Qu'on m'explique !

Ma conclusion est donc la suivante : la téléréalité qui cartonne le plus, c'est celle qui reprend les mécanismes phare de la narration télé en se drapant dans le fait que ceux qui jouent ne sont pas (tout à fait) des comédiens.
Ça passe par l'instauration d'enjeux humains, par un développement sur la durée et par une mise en images/mise en situation qui colle parfaitement à ces impératifs.

D'où la question qui me taraude : comment la télé française a-t-elle pu s'approprier parfaitement des codes qui n'étaient pas les siens pour la téléréalité et ne pas avoir su développer une réflexion équivalente pour ses fictions ? La question des moyens joue sans doute, mais franchement, elle n'explique pas tout (3).

Voilà. Vous avez quatre heures : les calculettes sont interdites. Ou alors vous pouvez laisser un commentaire...

Bien à vous,
Benny

- (1) : Pas forcément dans une volonté de faire valoir la pluralité des genres hélas: mais ce n'est pas le débat du jour.

- (2) : Dans le sens "la voix avec laquelle elles parlent au téléspectateurs". C'était assez évident par exemple avec Les hommes de l'ombre, où on pouvait alterner de vrais bons moments de narration et de sacrés passages à vides.

- (3) : Pour moi, la question n'est pas "Pourquoi on le fait pas ?", mais bien "Pourquoi on ne sait pas le faire ?"

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